CD Carus 83.229. Distr. DistrArt Musique.
Surnommé en son temps « le Mozart souabe », Johann Rudolph Zumsteeg (1760-1802) travailla comme violoncelliste à la cour de Stuttgart où il devint en 1793 maître de chapelle et donna les premières locales de La Flûte enchantée, Don Giovanni et Così fan tutte. Ses ballades et quelques-uns de ses lieder jouirent d'une immense popularité et exercèrent sur Schubert une influence déterminante. Ami intime de Schiller, il composa notamment de la musique de scène pour sa pièce Les Brigands ainsi que pour Hamlet et Macbeth. C'est Shakespeare qui est à l'origine de son plus grand succès sur la scène lyrique, cette Île des esprits, adaptation de La Tempête donnée d'abord au théâtre de la cour de Stuttgart en 1798 et reprise régulièrement en terres germanophones pendant une vingtaine d'années. Assez fantaisiste, le livret de Gotter et Einsiedel ajoute notamment le personnage travesti de Fabio, serviteur de Fernando, et accule au désespoir Caliban, qui se jette à la mer au dernier acte pour rejoindre sa mère Sycorax. Mais qu'importe ces infidélités, puisque le texte a su inspirer une partition rutilante à Zumsteeg, héritier direct de Mozart dans l'orchestration extrêmement colorée, la caractérisation très fine des personnages et l'ampleur des finales qui atteignent une vingtaine de minutes.
Il appartenait au chef Frieder Bernius, infatigable chercheur de trésors musicaux, de faire connaître cet ouvrage passionnant dont voici le premier enregistrement mondial et qui constitue d'ores et déjà la version de référence. En effet, on ne sait ici qu'admirer le plus, de l'extraordinaire Hofkapelle de Stuttgart qui nous régale d'une interprétation magistrale sur instruments d'époque, de la souveraine beauté des chœurs ou d'une distribution de très haut vol. Au sein d'une équipe de solistes exceptionnels, se détachent la merveilleuse Miranda de Christiane Karg, infiniment touchante dans le finale du Ier acte, et l'étonnante Andrea Lauren Brown, dont le timbre d'une grande pureté et les aigus lumineux rendent son Ariel absolument inoubliable. Si l'on peut jusqu'à un certain point reprocher à Falko Hönisch de manquer de rondeur dans la voix et de facilité dans les aigus, il n'en campe pas moins un Prospero capable de superbes contrastes et traduisant à la perfection la vulnérabilité de son personnage. À découvrir et réécouter toutes affaires cessantes.
L.B.