Delphine Galou (Rinaldo), Francesca Aspromonte (Almirena), Anna Maria Sarra (Armida), Raffaele Pe (Goffredo), Luigi De Donato (Argante), Federico Benetti (Mago cristiano), Anna Bessi (Sirena), Accademia Bizantina, dir. Ottavio Dantone (live, 2019).
HDB Sonus HDB-AB-OP-001 (2 CD). 2h11. Notice en anglais. Distr. HDB Sonus.

Dans le Rinaldo mis en scène par Robert Carsen à Glyndebourne en 2011, Ottavio Dantone dirigeait l'Orchestra of the Age of Enlightenment (DVD Opus Arte). Il semble avoir tenu à immortaliser le premier opéra londonien de Haendel (1711) avec son Accademia Bizantina, et dans une version établie par ses soins, se basant sur la récente édition critique de Bernardo Ticci. Outre par d'occasionnels effets de réorchestration (inutiles, à notre avis, justement en raison de leur aspect cosmétique), cette « version Dantone » se caractérise par diverses coupures : le rôle d'Eustazio disparaît (certaines allusions au personnage hantent cependant encore les récits et l'un de ses airs passe à Goffredo), ainsi que plusieurs arias (dommage pour « Vieni o cara » et « È un incendio ») - qui auraient largement pu être intégrées, étant donné la brièveté du premier CD.

Fallait-il vraiment enregistrer « sur le vif » cet ouvrage virtuose, pas toujours bien écrit pour les voix et exigeant pour les instrumentistes ? Si les cordes tirent leur épingle du jeu, notamment dans une ouverture aux belles inflexions et dans une féroce bataille (agrémentée d'un tam-tam), le premier hautbois peine de façon audible... La direction soutenue de Dantone, trop systématiquement tonique à l'acte I (pourquoi ce staccato imposé à « Cara sposa » ?), s'épanouit au second acte, sans toujours parvenir à sécuriser ses interprètes. C'est Galou qui s'en sort le mieux : le timbre est certes mat, peu coloré, l'incarnation souvent prudente mais la vocalise est parfaite et ce Renaud, très différent de celui imposé par une certaine « tradition », conserve de bout en bout une altière noblesse. Aspromonte campe une Almirena charnelle, mordante (jusqu'à l'emphase, dans son premier air), De Donato un Argante juvénile et piaffant, plus convaincant dans ses interpolations graves que dans les tensions de « Sibillando », Pe un Goffredo fragile mais investi, tantôt instable, tantôt touchant (« Siam prossimi al porto »), Sarra une Armida terriblement brouillonne, qui perd souvent souffle, ligne et rythme (mais ce rôle a-t-il jamais été bien chanté ?), les Mage et Sirènes n'ont rien de très magique... En somme, une version vivante mais amputée et inégale, qui ne menacera pas la prééminence de Malgoire, Hogwood et Jacobs (nos préférés au disque, dans cet ordre).


Olivier Rouvière