Cavalleria rusticana, Mascagni : Ezgi Kutlu (Santuzza), Aldo Di Toro (Turiddu), Cheryl Studer (Lucia), Audun Iversen (Alfio), Mareike Jankowski (Lola).
Pagliacci, Leoncavallo : Aldo Di Toro (Canio), Aurelia Florian (Nedda), Audun Iversen (Tonio), Martin Fournier (Beppo), Neven Crnić (Silvio).
Orchestre et Chœurs de l’Opéra de Graz, dir. Oksana Lyniv (live 2018-19).
Oehms Classics OC 987 (2 CD). Livret et notice en italien et allemand. Distr. Outhere.


La cheffe ukrainienne Oksana Lyniv, directrice musicale de l’Opéra de Graz, récemment accueillie par le Musikverein de Vienne, propose ici une lecture du diptyque vériste représenté en son théâtre, dans une production scéniquement décoiffante. La prise de son rogne, a contrario, les ailes du chant comme elle émousse les lignes d’un orchestre pourtant bien tenu, divers et coloré, exempt de tout surlignage. Dans le panel de chanteurs ici réunis, le ténor australien Aldo Di Toro assume le challenge Turiddu/Canio avec les moyens d’un Alfredo ou d’un Nemorino appelé à jouer dans la cour des grands. La sicilienne de Cavalleria émerge du brouillard sonore avant que les élans de l’infidèle sicilien n’exposent le jeune artiste aux pièges d’une tessiture mortelle, au propre comme au figuré. Sa Santuzza, Ezgi Kutlu, une étoile montante, projette ses imprécations jalouses sans toujours surveiller son vibrato, implorant en Lucia, mère de son époux volage, une Cheryl Studer bien éprouvée par les ans. Jeunette et aguicheuse, Lola exhibe les gazouillis de Mareike Jankowski, artiste maison. Le riche Alfio ne plastronne pas à l’excès. Au total, une soirée honorable qui ne mérite sans doute pas de concourir pour le trophée Mascagni.

Dans les Pagliacci de Leoncavallo, où l’on retrouve le même ténor, moins engoncé dans le rôle de Canio qu’on pouvait le craindre, mais néanmoins sous-dimensionné, les enjeux dramatiques sont correctement assurés. Une Nedda trillant et roucoulant à souhait (la roumaine Aurelia Florian), un Tonio oubliant les rodomontades d’Alfio au profit du libertinage osé de son joli cœur, mais trop enclin au parlando, des seconds couteaux de routine : le drame qui se nourrissait des outrances de la mise en scène peine à convaincre, réduit qu’il est à une image sonore sans relief. Un bilan des plus mitigés.


Jean Cabourg