Sieglinde Feldhofer (Cloclo Mustache), Gerd Vogel (Severin Cornichon), Susanna Hirschler (Melousine), Ricardo Frenzel Baudisch (Chablis), Daniel Jenz (Maxime de la Vallé), Matthias Störmer (Petipouf), Frank Voß (Récitant), Orchestre Franz Lehár, chœur du Festival Lehár de Bad Ischl, dir. Marius Burkert (live, 9-11 août 2019).
CPO 777 708-2. (2 CD) Notice et synopsis en anglais et en allemand. Distr. DistrArt Musique.
Créé au Burgtheater de Vienne en 1924, Cloclo, connu également sous le titre Lolotte, a été conçu par Lehár comme le pendant comique de Paganini (1925). D'abord proposé à Leo Fall, qui composa huit numéros avant de renoncer au projet, le livret de Bela Jenbach gravite autour de la vedette d'une revue parisienne au caractère bien trempé. Accusée d'avoir giflé en pleine rue un agent de police, Cloclo demande à l'un de ses principaux protecteurs, Severin Cornichon (maire de Perpignan), d'acquitter l'amende dans une lettre adressée à son « cher papa ». Ayant pris connaissance de ladite missive, madame la mairesse, loin de s'offusquer de la situation et pas jalouse pour deux sous, fait venir à Perpignan celle qu'elle croit être la fille naturelle de son mari et à qui elle veut servir de mère. Tout se termine bien sûr dans l'allégresse et Cloclo peut épouser à la fin l'homme dont elle est éprise, Maxime de la Vallé. La partition comprend notamment un blues à la sensualité débordante, « Pflück' die Rose dir », où le célesta et le banjo accompagnent la ligne mélodique de Cloco, et un ensemble amusant « Olé - olà - olé ! » dans lequel Lehár utilise le saxophone pour la première fois. À la création, l'air le plus applaudi fut celui de Mme Cornichon « Ich habe La Garçonne gelesen », qui fait allusion au fameux roman à scandale que Victor Margueritte avait publié en 1922. L'opérette, qui connut une carrière modeste, fut jouée en 1930 à Lausanne dans une version française de Pierre Veber intitulée Mam'zelle Clo-clo et adaptée très librement au cinéma cinq ans plus tard par Viktor Tourjansky sous le titre Die ganze Welt dreht sich um Liebe, avec Marta Eggerth et Leo Slezak.
Déjà remarquée dans Wo die Lerche singt, enregistré en 2013 à ce même Festival Lehár de Bad Ischl, Sieglinde Feldhofer est une Cloclo charmeuse en diable, dont la voix généreuse fait merveille dans les rythmes langoureux que le compositeur sait dispenser à foison. Un peu en retrait, son amoureux Maxime trouve en Ricardo Frenzel Baudisch un interprète sensible et parfaitement crédible. Les choses se gâtent malheureusement avec Gerd Vogel, vieux galant capable de quelques beaux éclats, mais qui peine à se couler dans les longues phrases envoûtantes de Lehár. Si l'on se fie aux réactions amusées du public, Susanna Hirschler possède d'évidents talents de comédienne, mais ceux-ci ne peuvent occulter une technique de chant par trop sommaire qui fait de sa Melousine un personnage très caricatural. Fort peu sollicité, le chœur étonne par son manque de précision, au contraire des musiciens, que Marius Burkert dirige avec bonheur, sachant parfaitement mettre en valeur les coloris chatoyants de cette partition à l'orchestration particulièrement soignée.
Louis Bilodeau