La notte di un nevrastenico : Giorgio Celenza (Le Neurasthénique), Carlo Feola (Le Concierge), Daniele Adriani (Le Commandant), Sabrina Cortese (Elle), Antonio Sapio (Lui).
I due timidi : Giorgio Celenza (Le Narrateur), Sabrina Cortese (Mariuccia), Daniele Adriani (Raimondo), Chiara Osella (Mrs Guidotti), Antonio Sapio (Dr. Sinisgalli).
Reate Festival Orchestra, dir. Gabriele Bonolis, mise en scène : Cesare Scarton (Teatro Flavio Vespasiano, Rieti, 30 septembre, 1er octobre 2017).
DVD Dynamic 37830. Notice et synopsis en italien et anglais. Distr. Outhere.


Le Chapeau de paille de Florence
 ? Non, mais les deux brefs ouvrages qui en encadrèrent la composition. Le théâtre lyrique fut l’une des constantes du catalogue de Nino Rota : dix opéras, dont les trois derniers – Aladino e la lampada magica, La visita meravigliosa et Napoli milionaria – ont été récemment réévalués et recréés avec les bonheurs que l’on sait. Mais parmi les premiers opus, quelques petits bijoux continuaient à briller vainement dans l’ombre des archives.

I due timidi, composé sur un joli livret de Suso Cecchi d’Amico, était destiné à la RAI, Rota répondant en 1949 à cette vogue des opéras radiophoniques que Menotti avait lancée en Italie. L’histoire de ces deux timides amoureux, qui à force finiront par se marier ailleurs et continueront à se croiser sans jamais s’avouer leur passion commune, est un petit bijou resserré en douze scènes brèves où la plume de Rota est émouvante à force de virtuosité et de suggestion, un de ses chefs-d’œuvre assurément.

Très vite, son théâtre de l’intime trouvera les chemins de la scène, à Londres d’abord, puis en Italie. On pourrait le délester du Narrateur, emploi tout radiophonique, mais Cesare Scarton a voulu rester fidèle à la destination initiale de l’ouvrage, sans que son théâtre tout simple en souffre. Les tranquilles beautés tonales de ses passions sous le boisseau sont finement ciselées par la direction attentive de Gabriele Bonolis, alors que la mise en scène scrute les âmes, plongeant Mariuccia et Raimondo dans une société de villégiature où les renoncements se trahissent sur des divans sans psychanalyste mais tout aussi efficaces ! Sabrina Cortese et Daniele Adriani sont touchants.

Formé juste après le tendre brio du Chapeau de paille de Florence, La Nuit d’un neurasthénique nous plonge au cœur du seul véritable opéra fellinien – je sais qu’on m’objectera Napoli milionaria mais songez que celui-ci s’approche plutôt d’une des veines de l’univers rossellinien – qui ait jamais coulé de la plume du musicien favori du réalisateur de La Dolce Vita. Justement, cette Notte, dramma buffo d’abord donné par la RAI avant d’être monté à la Piccola Scala le 8 février 1960, n’est pas si éloignée que cela de l’univers onirique de La Dolce Vita.

Cette fable d’un insomniaque qui pour retrouver le sommeil loue toutes les chambres d’un hôtel et se retrouve entre le rêve et la réalité car, une fois endormi, l’établissement est effectivement occupé par des noceurs (il finira par s’endormir juste avant d’être réveillé par la camériste apportant le petit déjeuner), offre à Rota l’occasion d’écrire un orchestre et des parties vocales en finesse, irréels à force d’ellipses, gorgés de références : on entend passer des effleurements stravinskiens, ravéliens, bartokiens, et jusqu’à des citations à peine voilées des ouvrages lyriques de Malipiero, compositeur qu’il tenait en grande estime. Cette comédie du « rêveur éveillé », joliment incarnée jusque dans ses malaises par la régie fellinienne (on n’est pas loin parfois d’Otto e mezzo) de Cesare Scarton, est une petite merveille : suivez donc les déambulations de Giorgio Celenza arpentant ses rêves dans sa veste à carreaux.

Jean-Charles Hoffelé