Jacek Greszta (Stolnik), Jolanta Wagner (Halka), Dorota Sobczak (Zofia), Tadeusz Szlenkier (Jontek), Łukasz Goliński (Janusz), Łukasz Jakubczak (Dziemba), Szymon Rona (Dudziarz). Orchestre, chœur et ballet de l’Opera nova de Bydgoszcz, dir. Piotr Wajrak. Mise en scène : Natalia Babińska (Bydgoszcz, 2018-2019).
Dux 8331. Présentation bilingue (pol., angl.). Distr. DistrArt Musique.

 
En serait-ce définitivement fini, pour Halka, de l’historicisme carton-pâte ? À voir les récentes productions de Mariusz Treliński, à Varsovie ou à Vienne, de Natalia Babińska à Bydgoszcz, on le croit volontiers. Une façon, aussi, de confirmer l’universalité d’une œuvre où un jeune homme riche abandonne et pousse au suicide une fille pauvre, qui a un enfant de lui, pour en épouser une de son milieu. À Bydgoszcz, Halka devient surtout la victime, jusqu’à l’aliénation, d’une société masculine et oppressive contre laquelle elle lutte en vain, plus que la petite montagnarde broyée par les préjugés de caste – à la violence n’échappe pas non plus Jontek, en général gentil montagnard transi, ce qui rend cette lecture encore plus cruelle. D’un côté, un monde de nouveaux riches masqués, carnaval des apparences, avec ses costumes de haute couture, son décor rutilant, où l’or déborde, de l’autre un plateau presque nu, une forêt noyée dans le brouillard, l’authenticité de la nature et du sentiment. Mais toute tradition n’est pas effacée, ce qui trahirait l’œuvre : stylisés, les costumes se souviennent encore des « kontusze » de la noblesse. Et l’apparition d’une wili, à la fin, renoue avec la mythologie romantique, clin d’œil peut-être à la Giselle d’Adam. Fallait-il pour autant supprimer l’air de Janusz, où il exprime ses scrupules et sa nostalgie, pour le rendre plus macho, plus détestable et moins intéressant ? On se demande comment chef et chanteur ont pu y consentir. Cela dit, la production ne manque ni de cohérence ni de force, les chorégraphies revisitant avec un bonheur certain les danses polonaises.

Musicalement, soulignons d’abord l’excellente direction du maître des lieux, un Piotr Wajrak clair, contrasté et coloré. Malheureusement, alors que la Zofia n’est qu’honnête, Jolanta Wagner ne fait pas une Halka mémorable : émouvante et nuancée certes, mais sans séduction dans le timbre, avec une quinte aiguë problématique et un manque de souplesse dès que le tempo s’accélère et exige de grands élans lyriques. Autour d’elle, en revanche, des voix solides et bien conduites. Łukasz Goliński, sans la subtilité d’un Andrzej Hiolski, sonne bien en séducteur sans scrupules, Tadeusz Szlenkier est un Jontek très stylé, à l’aigu facile. Belles basses également, Stolnik de Jacek Greszta ou, même plus secondaire, Dziemba de Łukasz Jakubczak. Malgré les faiblesses de la protagoniste, un spectacle homogène et intéressant. Il faudrait nous donner maintenant la production de Mariusz Treliński, dirigée par Łukasz Borowicz, autre moment de l’année Moniuszko.

Didier van Moere