Joshua Hopkins (Athanël), Andrew Staples (Nicias), Nathan Berg (Palémon), Neil Aronoff (Un Serviteur), Erin Wall (Thaïs), Liv Redpath (Crobyle), Andrea Ludwig (Myrtale), Emilia Boteva (Albine), Stacey Tappan (La Charmeuse). Chœur Mendelssohn de Toronto, Orchestre symphonique de Toronto, dir. Sir Andrew Davis (live Toronto, Roy Thomson Hall, novembre 2019)
Chandos CHSA 5258. 2 CD. Présentation trilingue (angl., all., fr.) et livret bilingue (fr., angl.). Distr. Harmonia Mundi.
Thaïs, opéra de chef ? À écouter Andrew Davis, oui. Direction fouillée, regorgeant de couleurs, d’atmosphères, qui n’élude pas l’exotisme mais ne sombre pas dans le kitsch, ne distend pas pour autant les ressorts du théâtre. Et cela apparaît dès les premières mesures, au milieu des cabanes des cénobites. On regrette d’autant plus la disparition du ballet, qu’on aurait entendu ennobli. Tout cela suffit à assurer une place de choix au sein de la discographie de Thaïs – beau chœur de surcroît ; mais les voix d’une distribution très internationale, où pas un nom français ne se repère ? Convenons que, au-delà de l’exotisme plus ou moins inévitable de l’accent, l’articulation reste assez estimable – même si le Palémon de Nathan Berg, certes belle clé de fa grave, semble assez étranger à la lettre et à l’esprit de ce qu’il chante. N’était le vibrato, Erin Wall ferait une très honorable Thaïs, aux jolies demi-teintes – mais l’aigu est éprouvé à la fin, sans toutefois cet art de modeler le mot qu’avait une Beverly Sills, la meilleure après Andrée Esposito, condition indispensable d’une interprétation approfondie. Honorable aussi l’Athanaël de Joshua Hopkins, nonobstant des graves un peu écrasés, qui a le timbre mordant du fanatique, un peu monolithique cependant pour les tourments de l’âme et de la chair, ami du charmant et très british Nicias d’Andrew Staples. En revanche, oublions la Charmeuse… Nos préférences vont toujours à Albert Wolff puis à Lorin Maazel, mais voici une Thaïs où la mondialisation du chant n’a pas fait trop de dégâts, et superbement dirigée.
Didier van Moere