Paris, L’Harmattan, 2020, 373 p., 38 €
Signalons la publication d’une thèse de doctorat consacrée à l’opéra sauvetage d’influence révolutionnaire, sujet rare et néanmoins important dans le paysage lyrique français du tournant des XVIIIe et XIXe siècles. Charlotte Saulneron scrute ici un corpus rare, avec un intérêt sincère et méthodique. On aurait certes aimé voir ce corpus mis plus en perspective dans le reste de la production lyrique de son temps, française et italienne, ce qui aurait donné plus de poids encore aux grilles de lecture utilisées, mais c’est en partie la loi du genre. L’auteur envisage l’opéra sauvetage tantôt par sa forme (affiliée à l’opéra-comique par l’alternance de parlé et de chanté à laquelle il a recours), tantôt par son fond (et son sujet mettant en scène le « sauvetage » d’une victime), ce qui autorise la prise en compte de grands opéras (La Vestale, Fernand Cortez) – optique discutable tant sont différents leurs moyens de production et leurs ambitions esthétiques, mais argumentée d’un point de vue surtout littéraire. Ce regard dramaturgique porté sur les livrets, notamment lorsqu’il croise le contexte historique et politique, offre quant à lui une perspective intéressante et personnelle.
D’un point de vue éditorial, on regrettera que la forme, tributaire de l’exercice, n’ait apparemment pas été retravaillée en fonction d’un lectorat plus ouvert (exemples musicaux manuscrits recourant aux clés d’ut ou aux instruments transpositeurs, conclusion en forme d’adresse au jury, méthodologie systémique qui privilégie l’observation microscopique plutôt que la vision macroscopique), et que l’ajout d’un index n’ait pas été jugé utile – or nombre de compositeurs et d’œuvres convoqués ici sont peu ou pas connus, et pouvoir envisager de façon globale les informations qui les concernent aurait été précieux. Ce travail d’éditeur paraît, de fait, absent. Heureusement la souplesse de style de l’auteur vient compenser cette rigueur formelle.
Chantal Cazaux