Federico Sacchi (Polidoro), Silvia Dalla Benetta (Zelmira), Mert Süngü (Ilo), Joshua Stewart (Antenore), Marina Comparato (Emma), Luca Dall’Amico (Leucippo), Xiang Xu (Eacide), Emmanuel Franco (le Grand Prêtre), Chœur de chambre Górecki (Cracovie) et Virtuosi Brunensis, dir. Gianluigi Gelmetti (live en concerts, Bad Wildbad 2017).
Naxos 8.660468-70. Notice et synopsis angl./all. Distr. Outhere.
Dernier opéra napolitain de Rossini, Zelmira fut de fait composé pour Vienne, où une reprise était programmée dès avril 1822, deux mois à peine après la création italienne, par la grâce d’une tournée de la troupe du Teatro San Carlo. La partition mêle une orchestration frappante et une harmonie tourmentée aux attendus de l’opéra seria, parmi lesquels un finale heureux, auréolé à l’origine d’un rondò destiné à la première Zelmira, Isabella Colbran – le rôle sera aussi celui de sa dernière apparition scénique, à Londres en 1824. À Vienne, Rossini ajoute un air pour le personnage secondaire d’Emma ; pour la reprise à Paris en 1826, il modifie aussi le finale pour Giuditta Pasta : un grand air d’esprit plus romantique précède un ensemble en vaudeville. C’est cette mouture parisienne que documente cet enregistrement live du Festival Rossini in Wildbad 2017.
Il y a là bien des qualités, mais aussi bien des défauts – que la perception en direct peut faire oublier grâce au lien immédiat tissé de l’artiste au public, mais que la gravure immortalise et accuse malheureusement. Federico Sacchi dessine un Polidoro (le père de Zelmira et bien-aimé souverain légitime de Lesbos) pénétré et éloquent, mais on regrette que son timbre plein et chaud devienne bâillé dans les aigus. Mert Süngü alterne étrangement une grande insolence d’émission et de vélocité et des passages à vide (principalement dans le médium et le piano) où le soutien faiblit brutalement ; son Ilo (l’époux troyen de Zelmira, ténor « positif »), qui assume les vertiges d’un rôle écrit pour Giovanni David, a du cran mais reste trop inégal. La distribution paraît d’abord judicieuse, qui l’oppose au timbre plus central de Joshua Stewart dans le rôle d’Antenore (ténor « négatif » : il accuse Zelmira de parricide pour conquérir le trône de Lesbos), mais il n’a pas les moyens d’Andrea Nozzari qui créa le rôle : le grave s’évapore, la vocalisation est lourde, l’émission engorgée. Les deux voix féminines sont plus harmonieuses dans leurs qualités, elles aussi d’ailleurs complémentaires : une même chair semble partagée entre le soprano de Silvia Dalla Benetta et le mezzo de Marina Comparato, la première plus brillante, la seconde plus ambrée, princesse et suivante réunies en une agréable sororité de chant (beau duo au II). Mais si Dalla Benetta a du style et de la noblesse, elle n’endosse pas complètement toute la palette vocale d’un rôle destiné à la Colbran et d’une inhabituelle épaisseur (Zelmira est fille, épouse et mère, et en exprime tous les sentiments) ; quant au panache de Comparato, il s’ombre d’un vibrato parfois lâche, notamment dans l’aigu (elle passe néanmoins son air du II avec aplomb).
La direction énergique de Gianluigi Gelmetti frôle parfois la brutalité côté percussions et se trouve fort desservie par un chœur dont les ténors sont aussi peu idiomatiques qu’opératiques et dont les sopranos vrillent l’oreille. Les Virtuosi Brunensis manquent eux aussi d’étoffe pour rendre pleinement justice à l’une des partitions les plus denses de Rossini : les cordes semblent parfois étiques. Un document utile pour comparer les versions de Zelmira et qui témoigne de concerts où l’engagement de chacun ne faisait pas défaut, mais pas une référence à laquelle on reviendrait pour elle-même.
Chantal Cazaux