Franz Fuchs (Tsing-Tsing), Tino di Costa (le prince Yang), Leo Heppe (Tschin-Kao), Kurt Equiluz (Yanko), Wilma Jung (Péki), Edith Kermer (Tao-Jin), Herta Schmidt (la princesse Stella). Grand Orchestre de la Radio de Vienne, dir. Kurt Richter (1953).
Orfeo C 985 191. 2 CD. Présentation bilingue (all., angl.). Distr. DistrArt Musique.
On a peu idée du nombre d’œuvres aujourd’hui oubliées que les radios allemandes et autrichienne enregistraient dans les années 1950. Le répertoire français y faisait bonne figure, à travers des opéras qui avaient souvent conquis le monde – et qu’un Mahler ou un Strauss dirigeaient volontiers. Le Maçon d’Auber, ainsi, nous est récemment parvenu. Voici, chez le même éditeur, avec le même orchestre, Le Cheval de bronze, toujours en allemand, toujours sans dialogues – et sans ballet, rajouté en 1857 pour le passage à l’Opéra. Ce n’est pas une nouveauté : on l’avait connu chez Walhall.
Scribe a ficelé un opéra-féerie comme on les aimait… et une chinoiserie comme on les aimait aussi. Le cheval transporte sur la planète Vénus, domaine de la princesse Stella. Mais gare à celui qui raconte ce qu’il a vu : il est aussitôt pétrifié. Ajoutez à cela une classique histoire de mariage forcé : un riche fermier veut contraindre sa fille, éprise d’un journalier, à épouser un vieux mandarin dont elle deviendrait la cinquième femme. Tout se termine bien, selon l’usage, avec une double union : après avoir ressuscité les pétrifiés grâce à un bracelet magique, Péki épouse le pauvre Yanko et Stella le prince impérial, dont elle hantait les rêves nocturnes. Un des chefs-d’œuvre d’Auber, brillant et léger, anticipant parfois Offenbach, d’une sensualité vaporeuse au début du troisième acte, non exempt de puissance dans le final du premier.
On disposait déjà d’un Cheval de bronze grâce à un excellent concert de l’ORTF sous la direction pétillante de Jean-Pierre Marty en 1979. Huguette Tourangeau a enregistré « Ô tourments du veuvage », l’air de la quatrième épouse, dont Renée Doria avait gravé la valse – Vienne l’a supprimé. Jean Fournet, Paul Paray, plus près de nous Yan Pascal Tortelier ont fait mousser l’Ouverture. Le Cheval de bronze autrichien, évidemment très exotique, ne peut rivaliser avec celui de Paris. Cela dit, bien mené par Kurt Richter, il s’écoute sans déplaisir - comme dans Le Maçon, tout a forcément un côté Singspiel ou opérette viennoise. Franz Fuchs campe un vieux Tsin-Tsin de belle allure, marié à la Tao-Jin acidulée d’Edith Kermer. Le prince Yang un peu nasal de Tino di Costa épouse la coquette Stella de Herta Schmidt, colorature un rien pointue mais à la jolie vocalise. Moins légère, Wilma Jung satisfait en Péki, qui finira par convoler avec son Yanko, le remarquable Kurt Equiluz, trop peu présent ici – pas si inattendu d’ailleurs : le légendaire Évangéliste a éclipsé le chanteur d’opéra. Le Tschin-Kao de Leo Heppe domine tout ce monde : une de ces vraies basses profondes à l’allemande, au timbre mordant, aussi truculente que stylée.
Didier van Moere