Walter Anton Dotzer (Roger), Franz Fuchs (Baptiste), Herakles Politis (Léon de Mérinville), Peter Lagger (Usbeck), Erich Kuchar (Rica), Hilde Rychling (Irma), Maria Salten (Henriette), Hildegard Rössel-Majdan (Mme Bertrand), Jenny Colon (Zobéide). Niederösterreichischer Tonkünstlerchor, Tonkünstler Orchester Niederösterreich, dir. Kurt Tenner (Vienne, Radio autrichienne, 14 décembre 1950).
Orfeo C 985 191. Présentation et argument bilingues (all., angl.). Distr. DistrArt Musique.
Comment un maçon, enlevé le jour de ses noces, se voit obligé de murer la prison où un ambassadeur turc veut enfermer une odalisque grecque et son soupirant militaire. Comment il sauve finalement la vie de ce dernier : le livret de Scribe et de Germain Delavigne relève du pur opéra à sauvetage, dont était friande une époque où l’on aimait aussi beaucoup l’exotisme. La Grèce, de surcroît, tentait alors d’arracher son indépendance à l’Empire ottoman : l’enfant grec, dans une des Orientales de Victor Hugo, réclamera « de la poudre et des balles » - et l’on notera que les deux esclaves turcs portent le nom des deux Persans de Montesquieu. Créé en 1825, trois ans avant La Muette de Portici, Le Maçon fut le premier grand succès d’Auber. Un succès durable et international : Berlin et Vienne l’affichaient en 1826, New York en 1827, Rio de Janeiro en 1846.
Ce concert de la Radio autrichienne constitue sans doute la dernière trace de cet opéra-comique pétillant, mâtiné de pittoresque discret, troussé de main de maître, fait de numéros brefs mais dont les finales ont une certaine ampleur et où l’on trouve des motifs de rappel – à commencer par le refrain de Roger « Du courage, les amis sont toujours là », qui est au Maçon ce que « Une fièvre brûlante » était au Richard Cœur de Lion de Grétry. Une aubaine donc, même en allemand avec un texte de liaison à la place des dialogues : il n’y a pas aujourd’hui d’autre accès à ce Maçon.
Tout est fort bien chanté de surcroît, le style et la langue des interprètes rapprochant l’opéra-comique du Singspiel, ce qui fonctionne parfaitement. Walter Anton Dotzer manie la truelle avec souplesse, nuance et aisance, Herakles Politis donne à l’officier Léon des airs de Belmonte. Les jeunes filles ne manquent pas de charme, la Henriette de Maria Salten plus légère, l’Irma de Hilde Rychling plus corsée. Madame Bertrand, une peste, s’impose aussitôt : c’est Hildegard Rössel-Majdan. Direction pertinente de Kurt Tenner à la tête d’un orchestre qui s’appela d’abord Wiener Tonkünstler Orchester… et créa, sous la direction de Franz Schreker, les Gurrelieder de Schoenberg.
Didier van Moere