Marina Rebeka (Violetta), Charles Castronovo (Alfredo), George Petean (Germont), Elisabeth Sergeeva (Flora), Gedeon Poppe (Gastone), Isaac Galan (D’Obigny), Rihards Mocanovskis (Douphol), Krisjanis Norvelis (Dr Grenvil), Laura Grecka (Annina), Latvian Festival Orchestra, State Choir Latvija, dir. Michael Balke.
Prima Classic PRIMA003 (2 CD). Notice en anglais. Distr. Prima Classic.
La belle Lettone, ayant fait de la Traviata son rôle d’élection, va jusqu’à coproduire cette intégrale verdienne. De Violetta, la soprane hier distribuée à Pesaro comme à Salzbourg, au service de Rossini et de Mozart, possède nombre des atouts physiques et vocaux. Remplaçant en 2018 Anna Netrebko à l’Opéra Bastille dans cet emploi à la croisée des tessitures et des esthétiques expressives, elle avait déployé un notable éventail de couleurs et d’inflexions dramatiques. Après les précédentes captations de cette voix dont le studio surexposait les limites autant que les qualités (Amor fatale, airs rossiniens ou Luisa Miller) avouons certaines réticences au moment d’entreprendre l’écoute de ces présents disques. Deux facteurs aggravants viennent d’emblée confirmer ces a priori : une prise de son redondante, redoublant l’exacerbation d’une direction musicale trop souvent ébouriffée et clinquante. En résumé disons que les sonorités et la frénésie rythmique du lever de rideau et de sa banda déteignent tout au long de la partition. L’apogée de ces intempérances est atteint au deuxième acte, ouvert sur une excitation orchestrale bientôt relayée par un chœur de matadors caricaturaux, Flora s’abandonnant elle à un vérisme outrancier.
Dans ces conditions chacun des protagonistes se laisse d’ailleurs aller à de fâcheux effets. Marina Rebeka soigne son « Libiamo » et les piqués du duo initial mais « È strano » déçoit par une virulence puccinienne déplacée qui culmine avec le la aigu agressif de « croce ». S’ensuivent d’autres redoutables fusées avant une cabalette plutôt hachée que fluide, conclue sur un contre-mi b certes fulgurant. À ces excès on préférera le juste soutien et la ligne d’« Alfredo, di questo core », à peine gâtée in fine par d’inutiles duretés. L’excès de santé vocale de la phtisique au troisième acte menace l’équilibre d’un bel « Addio del passato », moins toutefois que les décibels des scènes finales, plus mélodramatiques que de raison. L’Alfredo de Charles Castronovo fait encore moins dans la dentelle, poussant de manière avantageuse une voix charnelle mais qui dans la furia de la fin du II évoque un Turridu brut de fonderie. Et si le baryton Petean était des trois le plus fidèle à la lettre et à l’esprit du chant verdien ? Ses interventions, paternelles sans paternalisme, fermes et élégantes à la fois, son « Di Provenza » prégnant, honorent ce bel artiste. Pour les moments d’introspection de l’héroïne, pour la leçon de chant de son père protecteur, on aura la curiosité d’aller entendre cette intégrale.
Jean Cabourg