Anna Bolena, Pia de’ Tolomei, Lucia di Lammermoor, Il castello di Kenilworth, Maria Stuarda, La Favorite, Pigmalione, Roberto Devereux, Rosmonda d’Inghilterra.
Dynamic 37859 (13 DVD). Notice ital./angl., ni livret ni synopsis. Distr. Outhere.
Même sans inédit (nous renverrons le lecteur vers les comptes rendus des captations ici réunies pour la plupart déjà parus dans nos colonnes), le coffret a des arguments, qui regroupe neuf opéras « sérieux » de Donizetti (ou plutôt huit et demi, on le verra), y compris la Trilogie Tudor et Lucia di Lammermoor. Regrettons d’emblée l’économie de la réalisation (le maigre livret d’accompagnement ne fournit que les tracklists et distributions de chaque titre) et le choix éditorial absurde d’inclure dans cette sélection Pigmalione (issu d’une production en double bill du Festival de Bergame 2017), acte unique presque entièrement dévolu à son rôle-titre masculin : mieux valait s’abstenir que de classer sa Galatée quasi-muette parmi les « héroïnes » donizettiennes !
Dans Il castello de Kenilworth, Elisabetta fait une entrée tardive dans une partition qui met d’abord en valeur la confrontation post-rossinienne de deux ténors ; mais c’est bien une souveraine, et quand c’est Jessica Pratt qui l’incarne, aucun doute sur le rang princeps que s’approprie soudain la première des reines donizettiennes ! Pratt sert aussi Rosmonda d’Inghilterra, dans une production moins convaincante mais dont la captation fait office de version d’attente. Elisabetta revient dans Maria Stuarda, production fort honnête non seulement par l’affrontement de Sonia Ganassi (Elisabetta) et Carmela Remigio (Maria) mais aussi par la mise en scène lisible proposée à Bergamo en 2001 (voir la Vidéographie de l’ouvrage par Sandro Cometta et Elisabetta Soldini dans l’ASO 225) – même si elle ne se hisse pas au rang du récent DVD Erato immortalisant la production de Londres 2013. Troisième Elisabetta et nouvelle interprète clé du répertoire donizettien : c’est bien dans ce Roberto Devereux capté à Gênes en 2016 qu’il faut entendre Mariella Devia, plutôt qu’à Madrid l’année précédente – reste l’éternel regret d’une mise en scène sans vrai théâtre, comme si décidément les scènes italiennes n’osaient pas aller au bout du potentiel expressif de ces partitions. Autre interprète de tempérament et dont la carrière au service de Donizetti est indéniable : Dimitra Theodossiou, dont l’Anna Bolena est enregistrée au bon moment, avant que trop d’excès ne déparent ses moyens vocaux – mais sans que la production du Festival de Bergamo 2006 soit inoubliable (voir notre Vidéographie dans l’ASO 280). La plus célèbre des héroïnes anglo-saxonnes de Donizetti est sans doute Lucia. C’est aussi celle dont l’histoire interprétative constitue la plus redoutable concurrence pour les productions péninsulaires ici représentées. À Bergamo en 2006, les aigus aisés de Désirée Rancatore ne suffisent pas à compenser une incarnation à la fois trop indifférente et trop légère, et un entourage au mieux correct ; même indifférence côté théâtre, qui s’ennuie et ennuie : ce n’est pas ici qu’on voudra découvrir Lucia au DVD.
En revanche, Pia de’ Tolomei, l’héroïne de Dante ancrée dans l’imaginaire et l’histoire de la Péninsule, est défendue avec panache et sensibilité par Patrizia Ciofi, dans une production scéniquement honnête sinon renversante, et musicalement de très bonne tenue (Venise 2005). Quant à Léonor de La Favorite servie par Veronica Simeoni, la production de Florence 2018 a le mérite de présenter la version originale (française) de l’ouvrage et, malgré quelques défauts pointés par Didier Van Moere, possède une homogénéité d’ensemble qui n’est pas à ignorer.
Un coffret utile (d’autant que certaines captations sont à ce jour les seules versions vidéo éditées : c’est le cas pour Rosmonda et pour Pia) et attachant (pour la galerie de personnages et d’interprètes ici convoquées), à défaut d’être de premier rang musical ou théâtral.
Chantal Cazaux