Rachel Nicholls (Isolde), Andreas Schager (Tristan), Michelle Breedt (Brangäne), John Relyee (le Roi Marke), Brett Polegato (Kurwenal), Andrew Rees (Melot), Gianfranco Montresor (un Pilote), Rainer Trost (un Jeune Marin), Gregory Bonfatti (un Berger), Chœur et Orchestre de l’Opéra de Rome, dir. Daniele Gatti, mise en scène : Pierre Audi (Rome, Teatro Costantino, 2016).
C Major CM752304. Notices en ang. et fr. Distr. DistrArt Musique.
Le Théâtre des Champs-Élysées a vu ce spectacle où Pierre Audi aura abandonné les héros de Wagner aux éclairages de Jean Kalman tombés droit sur des arêtes en noir et blanc. À l’Opéra de Rome, la captation convenue d’Annalisa Buttò souligne les absences d’une mise en scène qui souffre du syndrome Bob Wilson : noli me tangere. Cette épuisante mise à distance des corps, pour symbolique qu’elle soit (et pour ce que vaut cette symbolique) s’accorde au moins parfaitement à l’esthétique froide des décors de Christof Hetzer sculptés par les lumières virtuoses de Kalman, le regard pourrait s’en contenter si l’oreille se remboursait d’un peu de sang. Ce n’est pas l’orchestre romain que Daniele Gatti peine à préciser tant il est fin de son comme du papier à cigarette, qui donnera de la chair à ces froideurs, ni l’Isolde trémulante, pâlotte de timbre, de Rachel Nicholls, qui nous donne raison d’y espérer demain Lise Davidsen. Alors on se console avec la Brangäne grand teint de Michelle Breedt qui ne sait toujours pas quelle Isolde elle pourrait être (et pourtant…), avec le Kurwenal touché au cœur de Brett Polegato, admirable baryton quasi mozartien, avec le Roi Marke noir et mordant de John Reylee, plus souverain qu’ami, avec surtout un Tristan subtil, fragile, qui se sera brûlé au rôle, trop vite remplacé, mais dont les mots d’amour, l’agonie sensuelle, l’aigu fluide et diseur, le souffle léger, invitent dans cet antihéros le ton, le son que Wagner prit pour ses ténors chez ceux de Weber. C’est beau en soi, cela pourrait suffire pour y aller voir, mais surtout entendre, ce vrai personnage comme égaré dans un monde sans âme.
Jean-Charles Hoffelé