Commémorer le bicentenaire de la naissance de Moniuszko, c’est aussi rappeler qu’il n’a pas seulement écrit pour la voix – même si, évidemment, elle fonde l’essentiel de son œuvre. On a plaisir à écouter ou réécouter ses deux Quatuors, qui datent de ses années d’études berlinoises – le premier est dédié à Joseph Elsner, le maître de Chopin, « créateur de la musique de notre pays ». De la jolie musique, plus proche de Haydn que du dernier Beethoven, dont le jeune Quatuor Lutosławski restitue la fraîcheur juvénile. Bien que modestement représentés, l’opéra et la voix ne sont pas oubliés dans cette soirée de musique de chambre : Polonaise de La Comtesse, bien campée par Maciej Młodawski, le violoncelliste du Quatuor, et le pianiste Paweł Cłapiński, associés à Urszula Kryger, un peu hésitante, peu flattée par l’acoustique des Sale Redutowe de l’Opéra dans la mélodie « Aniołek » [Le petit ange].
Elle chante également des raretés. Ce sont d’abord les Six Lieder pour voix, violon et piano de Spohr, qui permettent notamment de comparer son « Roi des Aulnes » à celui de Schubert. Elle interprète ensuite des Lieder de Mendelssohn sur des textes de Heine, dont l’inédit et inachevé « Warum sind denn die Rosen so blass », retravaillés par Aribert Reimann pour quatuor à cordes et séparés par six intermezzos. Cela fonctionne très bien, clusters ou flageolets ne déparant nullement l’original : ce « … oder soll es Tod bedeuten ? », créé à Schwetzingen en 1996, devrait s’entendre plus souvent.
La belle voix de la mezzo, qui s’est un peu lustrée, se chauffe progressivement et elle nous confirme que, par la maîtrise du souffle et de la ligne, l’éventail des nuances et l’intelligence suprême du texte, elle reste aujourd’hui, sans doute, la meilleure Liedersängerin de Pologne, parfaitement soutenue ici par le piano coloré de Paweł Cłapiński – et, pour Spohr, par le second violon du Quatuor, Marcin Markowicz. Belle soirée hors des sentiers battus.
Didier van Moere