Andreas Schager (Max), Lise Davidsen (Agathe), Alan Held (Kaspar), Sofia Fomina (Ännchen), Markus Eiche (Ottokar), Christoph Filler (Kilian), Andreas Bauer (Kuno), Franz-Josef Selig (l'Ermite), Orchestre symphonique de la radio de Francfort, Chœur MDR de la radio de Leipzig, dir. Marek Janowski (2018).
Pentatone PTC 5186 788 (2 CD). Notes et livret en allemand et en anglais. Distr. Pentatone.
En 1994, la première intégrale du Freischütz par Marek Janowski (RCA) réunissait le Deutsches Symphonie-Orchester de Berlin et une distribution inégale dominée par le Max de Peter Seiffert. Vingt-quatre ans plus tard, le chef dirige cette fois l'Orchestre symphonique de la radio de Francfort, dont il tire des sonorités encore plus somptueuses qu'à Berlin, mais sans parvenir davantage à nous faire éprouver le grand frisson. Ne boudons toutefois pas notre plaisir : cette version est admirable de bout en bout et rarement l'orchestration de Weber aura-t-elle aussi bien sonné qu'avec cette phalange où le pupitre des cors rivalise de pure beauté sonore avec ceux des cordes ou des bois. Dans une forme superlative, le Chœur MDR de la radio de Leipzig frappe par sa vigueur, qui fait merveille dans le célèbre Chœur des chasseurs et dans le finale survolté du dernier acte. La lecture de Janowski est de surcroît alerte, attentive aux moindres nuances et toujours captivante. Comment expliquer alors qu'une scène aussi prodigieuse que la Gorge-aux-Loups nous bouleverse si peu ? Janowski fait du très beau son, sans réussir cependant à nous plonger complètement dans le romantisme halluciné de l'œuvre, comme s'il demeurait toujours quelque peu en retrait.
Il dispose pourtant de chanteurs exceptionnels, au premier rang desquels il faut placer la stupéfiante Lise Davidsen. Dotée d'une voix immense à l'homogénéité parfaite sur toute la tessiture, la soprano est une Agathe frémissante qui atteint au sommet de son art dans un « Und ob die Wolke » en apesanteur tout à fait enivrant. Son timbre se mêle fort bien à celui de Sofia Fomina, adorable Ännchen au chant châtié et frais. S'il ne possède pas la séduction immédiate d'un Rudolf Schock ou d'un Nicolai Gedda, Andreas Schager campe un Max viril à souhait qui se distingue notamment par une endurance à toute épreuve, une belle ardeur et des aigus dardés avec insolence. Alan Held chante fort bien Kaspar, sans toutefois faire aussi grande impression que le magistral Ermite de Franz-Josef Selig. En dépit de ses nombreuses qualités, cet enregistrement cède le pas aux versions autrement plus fascinantes de Joseph Keilberth (EMI, 1959) et de Carlos Kleiber (DG, 1973).
Louis Bilodeau