Richard Lewis (Titus), Joan Sutherland (Vitellia), Monica Sinclair (Sextus), April Cantelo (Servilia), Anna Pollak (Annius), Thomas Hemsley (Publius), BBC Chorus & London Mozart Players, dir. John Pritchard (11 mars 1956).
Nimbus NI 7967 (2CD). Notice en angl. Distr. Wyastone.


Au début des années cinquante La clemenza di Tito était encore une rareté même en Angleterre et malgré la révolution Mozart que les Christie avaient suscitée à Glyndebourne : on avait préféré glaner chez le jeune Mozart jusqu’à Idomeneo plutôt que se pencher sur l’ultime ouvrage, cette Clemenza de toute façon desservie par son retour au seria et effacée par le coup de génie de la Zauberflöte. Pourtant John Pritchard ne l’entendait pas de cette oreille, il s’appropria l’œuvre dès ce concert pour la BBC, acceptant sans renâcler la version en langue anglaise comme il était alors courant à la Radio anglaise : on attirait le public derrière la grille des transistors pour leur narrer aussi une action, et mon Dieu ! que tous ici parlent leur chant, on n’en perd pas une note, même chez celle qui fut à l’origine de cette résurrection radiophonique : Joan Sutherland. La soprano australienne, découverte de Pritchard qui la tira des chœurs de la BBC, ne reprendra jamais un tel soin à articuler ce qui était de toute façon sa langue maternelle, l’occasion ne lui en sera plus guère donnée il est vrai. Sa Vitellia étonne par l’ampleur du timbre, un mezzo ambré qui délivre des aigus de lait, merveille encore un peu en équilibre dans l’air d’entrée, mais pour le Rondo final que lui murmurent amoureusement les cordes de Pritchard c’est merveille, avec quelque chose de la Comtesse des Noces dans les couleurs nostalgiques, dans la mélancolie du ton. Tous voudront entendre sa Vitellia, introuvable ailleurs, mais ceux qui nonobstant l’anglais s’aventureront ici cueilleront également une autre perle, le Sesto élégiaque, au style si pur, de Monica Sinclair. Richard Lewis est impeccable, Titus altier mais sans que vraiment le personnage se dessine - la scène doit lui manquer -, April Cantelo peint avec finesse Servilia, remplaçant au pied levé Jennifer Vyvyan, Anna Pollak déploie son beau chant naturel, jusqu'à Thomas Hemsley qui se garde bien de charger Publius. Qui joue si bien la clarinette de basset ? Les London Mozart Players excellent tout au long de l’œuvre, offrant à la direction éloquente de John Pritchard la cohésion de leur quatuor formé par ce spécialiste de Mozart que fut Harry Blech. Ce n’est pas le moindre des atouts de cette Clemenza des rives de la Tamise.

Jean-Charles Hoffelé