Pretty Yende (Zoraide), Juan Diego Flórez (Ricciardo), Sergey Romanovsky (Agorante), Victoria Yarovaya (Zomira), Nicola Ulivieri (Ircano), Xabier Anduaga (Ernesto), Sofia Mchedlishvili (Fatima), Martiniana Antonie (Elmira), Ruzil Gatin (Zamorre). Orchestra Sinfonica Nationale della RAI, Coro del Teatro Ventidio Basso, dir. Giacomo Sagripanti. Mise en scène : Marshall Pynkoski (Pesaro 2018).
C Major 752608 (2 DVD). 176 minutes. Notice en fr., ang. et all. Distr. DistrArt Musique.
Rendant compte de la dernière captation audio de cet opéra inaugural de la carrière rossinienne (Wildbad 2013) nous évoquions la publication du présent document pesarais et le Ricciardo de Juan Diego Flórez. Ce dernier et l’ensemble des protagonistes ont de fait toutes les chances d’incarner l’atout majeur de cette production pour le moins discutable. Le spectacle du canadien Marshall Pynkoski, copieusement hué à la première, peine en effet à rendre lisible et convaincant un sujet pseudo médiéval dont nous soulignions hier l’embrouillamini. Comme prisonnière des circonvolutions de cette histoire de féroces rivalités amoureuses dénouées par l’irruption de chrétiens salvateurs en terre de Nubie, la régie échoue à dépasser le chromo illustratif. Sauf à reconnaître au climat orientalisant de ces artifices flattés par de beaux éclairages un certain charme visuel. Les multiples intermèdes dansés, pas plus que la débauche de costumes et de toiles peintes, ne sauraient toutefois racheter les péchés originels du librettiste. Encore moins l’alignement frontal des chanteurs sur le proscenium aux moments clés de l’ouvrage.
Du plateau et de ses quatre valeureux ténors on retiendra surtout la mâle assurance du russe Romanovsky sous les atours du roi Agorante, un soupçon trop lisse pour exprimer la sauvagerie barytonale de ce prédateur sanguinaire. À la limite, le compagnon de Ricciardo, Ernesto, trouverait en Xabier Anduaga un vocaliste doté d’une projection plus décoiffante. En paladin chrétien amoureux, Flórez, dont le très jeune ténor suivit les masterclasses à Pesaro, demeure égal à lui-même, passées les premières mesures d’échauffement. Les périls de la vocalisation, l’escalade des notes suraiguës, les colorations, servent Rossini plus sûrement que la gestuelle du concertiste n’exprime les méandres du drame. Pretty Yende se donne corps et âme à l’amour qu’elle porte à son amant, déployant une voix longue à la tessiture nourrie d’un médium sonore. Le mélange des registres n’est sans doute pas celui prêté à une Colbran mais préserve l’essentiel de la ligne. Victoria Yarovaya exprime en retour toute la morgue vengeresse de la femme légitime sans disposer d’un registre de contraltiste suffisamment opulent. Le chef n’obtient pas de ses propres cordes toute la précision qu’appelle la texture musicale rossinienne. Au total, une étape à prendre en compte dans la renaissance de cet opéra juvénile.
Jean Cabourg