Lorenzo Ragazzo (Mahomet II), Majella Cullagh (Pamyra), Marc Sala (Cléomène), Michael Spyres (Néoclès), Matthieu Lécroart (Hiéros), Gustavo Quaresma Ramos (Adraste), Marco Filippo Romano (Omar), Silvia Beltrami (Ismène). Camerata Bach Choir, Virtuosi Brunensis, dir Jean-Luc Tingaud (live Bad Wildbad, juillet 2010).
CD Naxos 8 660329-30. Distr. Abeille Musique.

La très libre adaptation de Maometto secondo mitonnée par Rossini à l'intention de l'Opéra de Paris en 1826 est surtout connue des discophiles dans une version italienne (L'Assedio di Corinto) captée en 1969 à La Scala et illuminée par le tandem Beverly Sills / Marilyn Horne. La version originale devait d'ailleurs subir, au gré des années et des traductions, ajouts ou coupures divers, d'innombrables travestissements. On saura gré à Jean-Luc Tingaud d'avoir mis un peu d'ordre dans une partition dont on ne connaît pas moins de six variantes successives, dont celle donnée à Paris en 1985 avec l'excellente Martine Dupuy - en français, mais dans le rôle de Néoclès écrit pour le ténor Adolphe Nourrit ! Comme il peut compter, lors de ce concert de Wildbad, sur l'excellent orchestre des Virtuosi Brunensis, délié et coloré à souhait, la présente version peut prétendre s'imposer comme une manière de référence musicale. Est-ce à dire que nous tenons enfin une interprétation irréprochable de ce jalon indispensable de la création rossinienne, préfigurant le Guillaume Tell de 1829?

Il faudrait pour cela que la distribution soit globalement d'un niveau comparable à celui du valeureux Néoclès de Michael Spyres. Bonne diction française, émission haute, timbre coloré, vocalise projetée, le ténor de profil ouvertement lyrique est de loin le plus convaincant. A son côté, le Cléomène de Marc Sala, moins au fait de notre idiome, fait néanmoins bonne figure. Lorenzo Ragazzo n'affiche toujours pas l'aplomb vocal d'une authentique basse rossinienne, même si l'écriture de Mahomet est infiniment plus aisée à maîtriser que celle du Maometto originel, diablement virtuose. Les deux rôles féminins sont les plus mal servis. Majella Cullagh acidule un français exotique et réduit Pamyra à un emploi d'opéra-comique. Ismène glousse quand elle ne s'engorge pas. Les atouts de cette soirée sont toutefois suffisants pour mériter une écoute attentive.

J.C.