Nancy Fabiola Herrera (Salud), Cristina Faus (la Abuela), Aquiles Machado (Paco), José Antonio López (l'oncle Salvador), Raquel Lojendio (Carmela), Josep Miquel Ramón (Manuel), Segundo Falcón (el Cantaor), Gustavo Peña (une Voix dans la forge), BBC Philharmonic, RTVE symphony Chorus, dir. Juanjo Mena (2019).
Chandos 20032 (1 CD). 1h02. Notice en français. Distr. Harmonia Mundi.
Première œuvre d’envergure de Manuel de Falla, et l’un des seuls « opéras » qu’il ait menés à bien (Les Tréteaux de Maître Pierre et L’Atlantide pouvant difficilement prétendre à ce titre), La vida breve, créée en français en 1913, reste un ouvrage difficile à servir : doit-on mettre l’accent sur l’atmosphère vériste de cette chronique gitane (où une jeune femme meurt d’amour pour un macho qui l’abandonne), sur le décorum andalou ou sur le substrat d’influences françaises (Debussy, Gustave Charpentier) et allemande (Wagner) ? Après un long travail mené sur les sources manuscrites, Mena en livre une vision nuancée – mais peut-être trop travaillée, justement, pour sembler personnelle. Si l’ambiance créée par l’orchestre au début de l’œuvre s’avère prenante (grâce, entre autres, à l’usage de magnifiques percussions), l’abus de nuances dissout parfois le mystère, notamment dans le célèbre Intermezzo. Mena réussit surtout le premier tableau de l’acte II (naturel des enchaînements, ferveur communicative de la danse), prête une attention particulière aux « petits rôles » - ténor-forgeron lyrique, cantaor typé et virtuose, oncle Salvador idéalement protecteur, tendre Manuel - et obtient de très bons résultats du chaleureux chœur de la Télévision espagnole.
Hélas, les choses se gâtent avec les figures principales. Que la voix de la Grand-Mère sonne mince et serrée, c’est un peu dans l’ordre des choses – mais doit-il en aller de même de Salud ? Car chez la mezzo Nancy Fabiola Herrera, l’effort est notable dès les premières notes, l’émission apparaît trop constamment tendue, avec un haut médium qui tend à partir « en arrière ». Certes, on entend ici la femme « qui a vécu » - dimension qui manque parfois aux interprétations de la grande Victoria de Los Angeles, et qui convient à son second monologue (II, 2) comme à sa mort. Mais, dans le célèbre « Vivan los que rien ! », on attend davantage de fraîcheur, de lumière. Même problème, ou presque, avec l’interprète de Paco, ténor corsé mais plafonnant vite dans l’aigu. Une version un peu hétérogène, donc, qui ne détrônera pas celles de Frühbeck de Burgos (avec Los Angeles, EMI, 1966) et de Navarro (avec Berganza, 1978), ni même celle, plus « folklorique », de Josep Pons (HM, 1998).
Olivier Rouvière