Lore Binon (Mélisande), Yves Saelens (Pelléas), Pierre-Yves Pruvot (Golaud), Tijl Faveyts (Arkel), Angélique Noldus (Geneviève), Camille Bauer (Yniold). Inge Spinette et Jan Michiels (pianos).
Fuga Libera FUG 610. 2 CD. Présentation en anglais, français et flamand. Distr. Outhere.
C’était en 1992, aux Bouffes du Nord. Peter Brook mettait en scène un Pelléas et Mélisande abrégé par Marius Constant, qui en avait réduit l’orchestre à deux pianos. L’opéra ne durait plus qu’une heure et demie et s’ouvrait sur la lecture de la lettre, où s’enserre la première scène. Voici une version purement musicale de cet « arrangement », où Inge Spinette et Jan Michiels ne se contentent pas de jouer leur partie, mais restituent de leurs claviers la trame narrative du drame lyrique. Il n’empêche : si l’on peut faire confiance à l’excellent compositeur et chef d’orchestre qu’était Marius Constant pour la cohérence de l’entreprise, on cherche l’orchestre, sans lequel il n’y a plus de Pelléas qui vaille. Que peuvent donner, par exemple, des passages comme le début du deuxième ou du troisième acte ?
Vocalement, en tout cas, l’ensemble se tient, dominé par le Golaud farouche de Pierre-Yves Pruvot, entre tendresse et violence. Lore Binon convainc moins, Mélisande peu incarnée, qui fige parfois l’émission de ses notes. Yves Saelens campe en revanche un Pelléas très raffiné, peut-être trop, qu’il chante en mélodiste, tout en souplesse. Angélique Noldus est une Geneviève généreuse, mais Camille Bauer s’avère peu crédible en Yniold et Tijl Faveyts manque de relief en Arkel. Qu’aurait pensé Marius Constant de la chose, privée de la dimension du spectacle ? Nous préférons sa Pelléas et Mélisande - Symphonie, destinée à l’orchestre seul. Les deux pianistes commencent par un Prélude à l’après-midi d’un faune, qui pose la même question que l’opéra. Ils terminent par En blanc et noir… dont les versions majeures ne manquent pas.
Pour Pelléas, retour à la partition de Debussy et à sa discographie. Pour Marius Constant, espérons trouver un jour réunis en un coffret les enregistrements qu’Erato lui avait confiés, de ses propres œuvres ou de celles d’autres compositeurs du vingtième siècle.
Didier van Moere