Romina Basso (Lotario), Roberta Invernizzi (Giuditta), Marina de Liso (Gildippe), Marianne Beate Kielland (Adalgiso), Carlo Allemano (Berardo), Josè Maria Lo Monaco (Asprando), Damiana Pinti (Armilla), Roberto Abbondanza (Bleso), Stavanger Symphony Orchestra, dir. Fabio Biondi (2013).
CD Agogique 015. Distr. Harmonia Mundi.

Fort peu parmi la soixantaine d'opéras d'Alessandro Scarlatti à nous être parvenus (sur les 114 qu'il prétendait avoir écrits) sont connus des mélomanes. Et, à l'exception de Griselda (deux fois gravée avec Mirella Freni en vedette puis, une troisième fois plus récemment et de façon plus idiomatique, par René Jacobs), aucun de ses ouvrages sérias n'est présent au catalogue discographique. Quelle était donc notre impatience à l'annonce de ce Carlo qui, en outre, inaugure une série de résurrections du même type !

Tardive (1 716), l'œuvre s'avère, comme toujours, passionnante, d'autant que le style cérébral de Scarlatti s'y voit adouci par une riche instrumentation - que rassemble la scène finale mêlant trompettes, cors, bassons, hautbois, cordes et percussions. Le livret de Giuseppe Papis, évoquant un melting pot de Griselda et de Rodelinda, se distingue par un choix radical : celui d'un personnage muet pour le rôle-titre ! En effet, le Carlo dont il est question n'est qu'un enfant autour duquel s'affrontent sa mère, la courageuse reine Giuditta, et son affreux demi-frère, Lotario, qui veut s'emparer de la couronne en accusant Giuditta d'adultère. Notons que le drame inclut des intermèdes comiques - signe d'anachronisme, à l'époque.

Biondi, qui a transcrit la partition (en omettant hélas divers da capo), la dirige avec fièvre et sensibilité, sachant toujours trouver le ton, la pulsation juste pour caractériser des airs aux climats très différents (on admire par exemple l'élasticité conférée à l'ineffable « Il destin ver noi clemente »). L'orchestre moderne de Stavanger (Norvège) dont Biondi assume la direction artistique depuis 2006, pratique depuis plus de vingt ans le répertoire baroque, et cela se perçoit à sa parfaite réactivité. On ne peut lui reprocher que la sonorité un peu métallique de ses hautbois et clavecin.

Prometteuse, la distribution déçoit pourtant à divers égards. Commençons par le meilleur : d'excellents rôles bouffes (Pinti, Abbondanza) et une exemplaire De Liso, distribuée dans une trop brève partie. Bizarrement, la mezzo Lo Monaco et le ténor Allemano apparaissent gênés par la tessiture de la leur, pourtant guère aiguë, et leur chant sonne étranglé. Invernizzi fait preuve de beaucoup de conviction et de panache en ersatz de Durastanti, mais son timbre s'est incontestablement terni ; à l'inverse, celui de Basso (qui hérite du rôle de Senesino) est intact mais sa propension à poitriner et à écraser les « r » est devenue si caricaturale que ses récitatifs semblent sortir du Grand-Guignol. Quant à la mezzo Beate Kielland, si elle se montre émouvante dans le superbe « Labri cari », elle n'« ouvre » ni ne soutient assez l'émission, devenue ainsi monocorde. Un réel travail sur le bel canto devra donc être réalisé par cette équipe, si elle est associée aux prochains enregistrements...

O.R.