Nazan Fikret (Fiordiligi), Héloïse Mas (Dorabella), Alexander Sprague (Ferrando), Biagio Pizzuti (Guglielmo), Hamida Kristoffersen (Despina), Francesco Vultaggio (Don Alfonso), Royal Liverpool Philharmonic Orchestra, dir. Laurent Pillot (2014).
Rubicon (2 CD). 2h29. Notice en français. Distr. Harmonia Mundi.


« Premier enregistrement de la version originale de Mozart » promet la couverture. Car, selon Laurent Pillot, le divin Wolfgang aurait d’abord mis en musique une version light du livret de Da Ponte, dans laquelle Ferrando et Guglielmo, déguisés, n’échangeaient pas leurs petites amies mais continuaient à courtiser leurs promises « officielles ». Pourquoi pas ? - encore que le fait que les parieurs ne soient pas reconnus par leurs belles devienne encore moins crédible… Mais qu’est-ce que cela implique donc, au disque ? Pas grand-chose, si ce n’est que l’opéra commence désormais par les mots « La mia Fiordiligi capace non è »... Comme Pillot veut cependant se distinguer, il modifie autrement la partition, supprimant presque toutes les arie du second acte (« Una donna a quindici anni » de Despina, « Amor è un ladroncello » de Dorabella, « Ah, lo veggio » et « Tradito, schernito » de Ferrando), omettant le chœur (ce qui pose divers problèmes lors du finale), confiant le second air de Guglielmo à Alfonso et, en manière de compensation, remplaçant « Non siate ritrosi » par le plus exigeant « Rivolgete a me lo sguardo », etc. Le résultat est d’autant moins probant que la direction, alerte mais courte de souffle, manque de sensualité et, surtout, d’élasticité, ne parvenant jamais à motiver, à porter une distribution modeste – orchestre radieux mais aux basses un peu passives, barytons emphatiques, ténor instable, mezzo incertaine et une Fiordiligi (qui conserve tous ses airs) collée à la partition, à l’émission droite, scolaire. Quelques moments joliment théâtraux, comme le sextuor du premier acte, ont pu séduire, au théâtre ; mais le disque ne s’imposait pas.

Olivier Rouvière