Hera Hyesang Park (Aldimira), Marianna Pizzolato (Sigismondo), Rachel Kelly (Anagilda), Kenneth Tarver (Ladislao), Gavan Ring (Radoski), Guido Loconsolo (Zenovito), Il Hong (Ulderico), Chœur et Orchestre de la Radio bavaroise, dir. Keri-Lynn Wilson (live concert, 2019).
BR-Klassik 900327. Notice et synopsis en all. et angl. Distr. Harmonia Mundi.
Créé à La Fenice de Venise en 1814, Sigismondo a été un échec. Sachant sa partition condamnée à l’oubli, Rossini n’hésitera d’ailleurs pas à en réutiliser ailleurs les meilleures pages ou motifs, à l’instar de l’introduction de l’acte II qui deviendra le « Piano, pianissimo » du Barbier. Le livret de Giuseppe Foppa rappelle, quoiqu’en version seria, les enjeux de L’inganno felice qu’il avait écrit pour le même compositeur deux ans plus tôt, qui sont aussi ceux des pièces à sauvetage, appliqués ici à des personnages nobles : une reine diffamée exilée incognito (Aldimira), qui recouvrera in extremis et l’honneur et son royal époux (Sigismondo, roi de Pologne, mezzo travesti).
Sigismondo est d’ailleurs un rôle original pour les canons du temps, constamment déchiré dans son tourment conjugal au point de frôler la folie. Marianna Pizzolato lui confère ici son chant délié et son timbre généreux, sachant les profondeurs d’un rôle dessiné pour la Marcolini, même si le concert la porte à quelques imperfections, voire à quelques audaces malvenues (cette tonique tenue en dépit du bon sens harmonique à la fin de son premier air !). Aldimira trouve en Hera Hyesang Park une interprète qui ne convainc pas totalement malgré un timbre la plupart du temps à la tendre lumière : élocution floutée (la prise de son, très réverbérée, en rajoute sur ce point) et, surtout, aigus criards qui effacent l’impression favorable que pouvait laisser son fiorito. Dans le rôle du traître et ténor Ladislao, Kenneth Tarver est ici à son avantage par rapport à Bad Wildbad 2016 (CD Naxos), bien chantant et sans tension. Mais le timbre âpre et au soutien inégal de Guido Loconsolo manque singulièrement de chaleur pour Zenovito, qui devrait au contraire paraître paternel.
Si chœur et orchestre sont sans faille (et ce n’est pas anodin dans la discographie, quand tant de captations historiques de Pesaro ou de Bad Wildbad péchèrent par leurs chœurs verts voire défaillants), la direction de Keri-Lynn Wilson offre néanmoins au langage rossinien plus d’opacité massive que de netteté déliée. Prise de son, à nouveau, et montage sont peut-être à questionner : certains enchaînements sont trop rapides (quand la scène supposerait un changement de tableau), d’autres, sans vie. En outre, les récitatifs sont statiques, sans vérité de l’accent, même chez les interprètes italiens. L’impression d’ensemble est donc d’un concert honnête mais auquel on a oublié de conférer une théâtralité interne. Dommage.
Chantal Cazaux