CD DHM 88883721872. Notice et livret en anglais. Distr. Sony.
Il s'agit d'une œuvre célèbre : en 1725, à vingt-six ans, le jeune Hasse, en passe de devenir (vingt ans après Haendel) le nouveau Caro Sassone que s'arracheront toutes les villes d'Italie, fait représenter en plein air cette sérénade devant le vice-roi autrichien de Naples. Si le sujet de l'œuvre semblait peu adapté à un contexte festif (vaincu par Octave à la bataille d'Actium, Marc Antoine y prend congé de son amante Cléopâtre, avant que tous deux ne se rejoignent dans la mort), la distribution, elle, n'aurait su être plus brillante, puisqu'elle rassemblait la contralto Vittoria Tesi (vingt-cinq ans) dans le rôle de Marc Antoine et le castrat soprano Farinelli (vingt ans) dans celui de Cléopâtre ! On voit que tout ce beau monde était dans sa pleine jeunesse - et la musique, légère, brillante, toujours mélodieuse, en conserve le parfum, distillant une séduction immédiate et volatile. L'œuvre se divise classiquement en deux parties, huit airs (quatre pour chaque protagoniste) et deux duos, et ne réclame, en plus des voix, que la basse continue et les cordes. Dans sa restitution (notamment entendue au Théâtre des Champs-Elysées en 2001), René Jacobs y ajoutait des vents colla parte et y faisait briller le puissant Concerto Köln. Qu'on n'attende pas la même expressivité de l'ensemble Le Musiche Nove (justement fondé en 2001), complice attitré de Simone Kermes : réduite à treize cordes et un clavecin, cette phalange modeste se satisfait pleinement de son rôle d'accompagnatrice, enrobe pieusement les voix, réussit les rares récits accompagnés mais se montre bien trop placide ailleurs (ouverture, attaques, etc.). Jacobs, déjà, distribuait Antoine à Vivica Genaux - technicienne impeccable, la mezzo venue du froid soigne trilles et vocalises mais ne cherche jamais à incarner le tribun vaincu, dont les notes les plus graves, en outre, lui échappent. En Cléopâtre, la soprano Francesca Lombardi Mazzulli (déjà entendue dans le rôle-titre d'Artemisia de Cavalli) se montre plus engagée, disposée à prendre des risques ; le timbre est assez magnétique, le chant très... personnel - limite maniéré, avec son émission arrondie dans le pharynx et sa constante tendance aux ports de voix. Certains détesteront, d'autres goûteront la sophistication conférée aux airs superbes écrits pour la reine d'Egypte. On est heureux de disposer enfin d'une intégrale en disque mais pas certain qu'elle soit à la hauteur d'une création légendaire...
O.R.