Sara Jakubiak (Heliane), Brian Jagde (Der Fremde), Josef Wagner (Der Herrscher), Okka von der Damerau (Die Botin), Derek Welton (Der Pförtner), Burkhard Ulrich (Der Schwertrichter), Gideon Poppe (Der junge Mann), Chœur et Orchestre de la Deutsche Oper Berlin, dir. Marc Albrecht, mise en scène : Christof Loy (Berlin, 30 mars, 1er avril 2018).
Naxos 2.110584.85 (2 DVD). Notice et synopsis en anglais et en allemand. Distr. Outhere.
Le disque aura rendu justice au Miracle d’Héliane, récemment encore, Naxos publiant la résurrection de l’œuvre tentée par Fabrice Bollon à Freiburg (voir notre compte rendu) justement fêtée voici peu dans nos colonnes.
Une année plus tard, la Deutsche Oper de Berlin confiait l’œuvre à la dramaturgie épurée de Christof Loy qui signe ici son plus parfait spectacle depuis son imparable Lulu de Covent Garden. On trouvera la même économie dans les costumes – modernes et intemporels – et l’usage expressionniste des éclairages, avec ces close-up, cette omniprésence du noir qui font entrer dans l’orchestre saturé de couleurs, beau comme un Klimt, voulu par Korngold, un univers cinématographique d’avant le technicolor sans que jamais entre l’œil et l’oreille ne s’immisce le moindre hiatus.
C’est que Christof Loy impose une direction d’acteurs où malgré les épreuves irradie l’Héliane idéale de Sara Jakubiak, admirable incarnation d’amoureuse absolue face à un Étranger stupéfiant de présence, et qui a la voix exacte du rôle, si proche de celle de l’Empereur de la Frau ohne Schatten : Brian Jagde, écoutez seulement.
Face à ce couple absolu, le Herrscher de Josef Wagner a beau déployer ses trésors de noirceur, son chant mordant, la Botin venimeuse d’Okka von der Damerau conduire le procès des adultérins, c’est la lumière de la rédemption qui s’imposera.
Si l’Héliane de Jakubiak peut nous donner par la splendeur de son chant une idée de ce qu’y produisait en termes de sensualité Lotte Lehmann (espérons que sa Marietta sera aussi documentée), l’ajout majeur ici reste l’orchestre ardent, sensuel, violent qu’y distille Marc Albrecht, conduisant le chef-d’œuvre méprisé de Korngold sur la délicate ligne de crête qu’il avait choisie : entre les splendeurs de l’ancien monde de Richard Strauss et l’âpreté expressionniste de la Seconde École de Vienne. Venant d’un chef rompu aux ouvrages lyriques de Berg comme à ceux de Strauss, cela n’étonnera pas. Qu’il tente maintenant Violanta et Die tote Stadt.
Jean-Charles Hoffelé