Mathias Vidal (Faust), Anna Caterina Antonacci (Marguerite), Nicolas Courjal (Méphistophélès), Thibault de Damas d’Anlezy (Brander). Chœur Marguerite Louise, Les Siècles, dir. François-Xavier Roth (Versailles, 6 novembre 2018).
Château de Versailles Spectacles CV5010. Notices de présentation bilingues (fr., angl.). Distr. Outhere.
Côté DVD, La Damnation de Faust en concert, c’était un flamboyant Solti aux Proms en 1989, avec Chicago, Anne Sofie von Otter, Keith Lewis et José Van Dam. François-Xavier Roth, à Versailles, lui fait-il concurrence ? Pas vraiment. Plus scrupuleux et plus informé historiquement, il a regardé la partition au fond des éditions critiques. Mais la tension et le souffle font défaut, il pâtit même, parfois, d’une certaine frilosité, attendant la course à l’abîme pour vraiment s’embraser – les Roses ne s’ouvrent pas, l’Invocation à la nature est sans vertige. On ne niera pas pour autant le soin raffiné du détail, qui vaut par exemple un Ballet des sylphes d’une subtilité aérienne.
Le grand atout de ce concert versaillais reste l’intimité des solistes avec le style français. Le Faust de Mathias Vidal appelle néanmoins des réserves, malgré une gestion parfaite de l’émission, avec un recours impeccable et pertinent à la voix mixte : il faudrait souvent un timbre plus corsé et une tessiture plus centrale, une interprétation plus « faustienne » surtout, qui creuse les mots, à la fois tourmentée - l’Invocation - et conquérante – le début du duo d’amour. Cet art de creuser les mots, Anna Caterina Antonacci l’illustre encore magnifiquement, Marguerite à l’intensité frémissante, défiant l’usure de ses moyens : on n’a guère entendu, depuis Régine Crespin, de tels « Il ne vient pas/ Hélas ! Hélas ! ». Nicolas Courjal impose avec une facilité insolente un diable narquois, aux Roses délicates, à la Sérénade persifleuse, qu’on aimerait seulement plus insinuant, plus fallacieusement mielleux. Le Brander très bien chantant de Thibault de Damas d’Anlezy, en revanche, manque de truculence. Le chœur est honnête et bien en place, sans grand caractère toutefois. Un bon, voire un excellent concert, mais pas une référence.
Didier van Moere