Daniela Dessì (Curiazio), Katia Angeloni (Orazia), Tai-Li Chu Pozzi (Sabina), Giuseppe Fallisi (Publio Orazio), Mario Bolognesi (Marco Orazio), Simone Alaimo (Sacerdote), Giancarlo Tosi (Augure). Choeur de l'Opera Giocosa, Orchestre symphonique de San Remo, dir. Massimo de Bernart (live Savona, 1983).
Bongiovanni GB 2021/22-2. Distr. DOM.
Capté en 1983 sur le vif au Théâtre Chiabrera de Savone, cet enregistrement des Horaces et des Curiaces de Cimarosa vaut d’abord pour la présence de Daniela Dessì, grande figure du chant italien du XXe siècle, plus connue dans le répertoire spinto verdien et puccinien, qui justifie sans doute en partie sa réédition. Alors âgée de 26 ans, la soprano restitue au rôle central de Curiazio, habituellement confié à des mezzo-sopranos, sa tessiture originale, et le sublime avec sa voix de jeune lyrique au registre aigu lumineux et au style irréprochable. Le reste de la distribution ne démérite pas mais reste un cran au-dessous, mis à part le Marco Orazio à la voix claire et au timbre brillant de Mario Bolognesi, parfaitement à l’aise dans cette partie de ténor héroïque, et le Grand Prêtre de Simone Alaimo, une des grandes basses chantantes des années 1980, dans un rôle épisodique. Katia Angeloni ne semble pas toujours parfaitement à l’aise dans la tessiture de mezzo d’Orazia mais son timbre se marie bien avec celui de sa partenaire et leurs deux duos sont des moments de pure grâce. La Sabrina de Tai-Li Chu Pozzi et le Publio Orazio de Giuseppe Fallisi restent un peu ternes mais leurs rôles d’aînés peuvent justifier un rien de grisaille vocale. L’autre intérêt de cette version réside dans le choix d’une édition qui permet d’entendre une fin plus abrupte que celle choisie par le festival de Ludwigsburg récemment chroniquée (Oehms Classics, 2006). Point de débat ici après que Marco Orazio a tué purement et simplement Orazia et s’est enfui dans la confusion : le chœur l'excuse et célèbre son patriotisme au nom duquel il a tué sa sœur. Cette conclusion radicale paraît nettement plus évidente après le violent duo qui vient de les opposer et semble plus conforme à l’esprit de la tragédie de Corneille dont le livret est tiré. Dans l’ensemble, la beauté et la richesse mélodique de la musique de Cimarosa, son orchestration raffinée et la remarquable intégration des éléments de pur belcanto avec une recherche dramaturgique qui, en s’appuyant sur des éléments d’opéra seria, regarde nettement vers le siècle suivant, sont d’une grande séduction. La grande scène de la grotte qui réunit les protagonistes et le chœur venus consulter l’oracle d’Apollon en est une parfaite illustration. Malgré un chœur parfois un peu brouillon et un orchestre honnête mais peu adapté au répertoire classique, la direction de Massimo de Bernart assure en permanence un parfait équilibre entre drame et lyrisme, et insuffle à l’ensemble une vie et un élan incontestable qui prouvent une fois de plus la validité de l'opéra de Cimarosa, et fait naître le désir d’en entendre enfin une version musicologiquement informée, celle-ci étant comme les deux autres existantes quelque peu coupée et arrangée.
Alfred Caron