Lerner & Loewe, My Fair Lady : Julie Andrews (Eliza Doolittle), Rex Harrison (Professor Higgins), Stanley Holloway (Alfred P. Doolittle), Robert Coote (Colonel Pickering), dir. Franz Allers, 1956.
Lionel Bart, Oliver ! : Georgia Brown (Nancy), Ron Moody (Fagin), Danny Sewell (Sikes), Hope Jackman (Mrs. Corney), dir. Donald Pippin, 1960.
Alto ALN 1965. Distr. DistrArt.
Deux grands classiques du musical interprétés par leur distribution d’origine : rien de neuf, évidemment, mais une promesse de plaisir retrouvé… tenue seulement en partie.
Inspiré du Pygmalion de George Bernard Shaw, conçu par Alan Jay Lerner (lyrics) et Frederick Loewe (musique) – les géniaux artisans de Brigadoon (1947) et bientôt de Gigi (1958) et Camelot (1960) –, My Fair Lady est créé au Mark Hellinger Theater de Broadway le 15 mars 1956 où il fait un triomphe (2700 représentations !), suivi du même succès à Londres en 1958 puis du film de Cukor avec Audrey Hepburn en 1964.
Julie Andrews est alors peu connue. Avec sa technique solide sachant autant la gouaille appuyée que le charme lyrique, elle explose dans le rôle plein de verve d’Eliza Doolittle, chardon de la rue mué en rose mondaine. Face à elle, Rex Harrison compose un Professor Higgins grand teint : avec lui, la frontière entre parole et chant se floute avec art. L’incroyable truculence de la partition, elle, saute aux oreilles à chaque chanson muée en hit et prétexte à numéro d’acteur.
Quatre ans plus tard, le 30 juin 1960, triomphe comparable au New Theatre de Londres pour l’Oliver ! de Lionel Bart (qui signe tout : livret, lyrics et musique, quoiqu’aidé par Eric Rogers pour la transcription de ses idées musicales) d’après Oliver Twist de Charles Dickens : après 2618 représentations, la production passe du West End à Brodway, puis à Hollywood avec le film de Carol Reed en 1963. Oliver, emblème social de la littérature britannique, réussit son passage à la scène : le chœur de jeunes garçons offre un théâtre frais et vrai, et l’opposition entre l’innocence (les enfants, pour lesquels Bart trouve des accents tour à tour tendres et vivifiants) et ceux qui tentent de la pervertir (Fagin, Sikes et Mrs. Corney), croqués comme d’après nature, est imparable pour emporter le spectateur.
Doublement culte, donc. Or cette réédition couplée n’offre qu’une galette de 80 minutes… sur laquelle ne pouvaient tenir deux Original Cast Albums. Certes, la galette en question délivre une heure vingt de quintessence du musical en Technicolor sonore, mais il a bien fallu trancher : côté My Fair Lady, adieu au cocasse « You Just Wait » d’Eliza-Andrews, à la délicate « Ascot Gavotte » pour chœur et orchestre, ou au haletant « You Did It » de Pickering et Higgins ; chez Oliver ! manquent le duo « I Shall Scream » (Mr. Bumble et Mrs. Corney), « It’s a Fine Life » de Nancy, l’entraînant hymne « Be Back Soon » de Fagin et ses garçons, et le flippant « My Name » de Sikes-Sewell. Quel choix étrange, s’il s’agit de mettre en avant l’authenticité de la distribution, que de se priver de l’intégrité des partitions et de leurs perles ! En outre, la notice oublie sans scrupule maints détails qui n’en sont pas (tels les directeurs musicaux) et omet de préciser qu’il ne s’agit pas d’intégrales. Les amateurs en seront pour leur frais : même non remastérisées, mieux vaut courir après les précédentes éditions complètes.
Chantal Cazaux