Michele Capalbo (Abigaille), James Westman (Nabucco) et Geneviève Lévesque (Fenena)


Parmi les nombreux mérites du nouveau Nabucco présenté à l’Opéra de Québec, il faut saluer en premier lieu la direction flamboyante de Giuseppe Grazioli, qui insuffle à l’œuvre de Verdi une intensité dramatique peu commune. Apprécié ces dernières saisons dans Carmen (Québec, 2018) et Tosca (Montréal, 2017), le chef se révèle ici particulièrement inspiré, et ce, dès l’ouverture, grâce à un Orchestre symphonique de Québec des grands jours qui nous emporte dans un flot de passion ininterrompu. Grazioli sait constamment trouver le parfait équilibre pour éviter que le caractère fougueux mais assez brut de l’orchestre du jeune Verdi ne devienne jamais pompier. Des différents pupitres, il convient de souligner notamment le travail des violoncelles, menés par l’admirable Blair Lofgren. Autres triomphateurs de la représentation, les choristes font preuve d’une générosité vocale que pourraient leur envier de nombreuses maisons d’opéra. Tout à la fois ardents et capables de grandes nuances, ils en viennent à éclipser les solistes.

Dans le rôle-titre, le baryton James Westman laisse une impression comparable à celle de son Rigoletto entendu à Montréal en septembre dernier, soit celle d’un artiste d’une belle probité, mais dont la voix manque d’harmoniques et qui demeure trop souvent sur la retenue, malgré quelques notes aiguës glorieuses. Peu à l’aise sur scène, il n’émeut guère dans sa démence ou dans sa conversion finale. Si l’Abigaille impétueuse de Michele Capalbo est capable de moments d’éclat impressionnants, son chant s’avère trop débraillé pour convaincre. En plus d’être souvent fâchée avec la justesse, elle escamote les traits les plus virtuoses et fait de curieux crescendos sur des passages qui demanderaient une attaque franche. Des deux basses, on retient moins le Zaccaria de Giovanni Battista Parodi, dont le riche timbre ne réussit pas à masquer le grave insuffisant et des vocalises un peu savonnées, que le Grand Prêtre de Belos absolument somptueux à tous égards d’Alain Coulombe. Détenteur d’une voix de stentor, le ténor Steeve Michaud a fait d’importants progrès depuis son duc de Mantoue (Québec, 2017) : beaucoup plus attentif aux nuances, il campe un Ismaël qui s’impose par sa force de caractère. En dépit de quelques notes stridentes, Geneviève Lévesque est une Fenena touchante dans sa pureté, tandis que la splendide voix de Jessica Latouche attire l’attention sur le personnage secondaire d’Anna.

Concepteur des décors et de la mise en scène, Michael Cavanagh mélange les époques au moyen de costumes pour la plupart contemporains et de projections très soignées qui nous plongent dans une Babylone fantasmée aux couleurs envoûtantes. Parmi les moments les plus frappants, on note l’incendie du temple à la fin du premier acte, le chœur « Va, pensiero » chanté derrière une grille à travers laquelle les Hébreux tentent de passer leurs mains, et le tableau final, où le mot « Paix » décliné dans toutes les langues remplit l’espace scénique tout entier. Conjuguées à la direction de Giuseppe Grazioli, ces images fortes nous hanteront longtemps.

Louis Bilodeau

À lire : notre édition de Nabucco : L’Avant-Scène Opéra n° 86


Alain Coulombe (Grand Prêtre de Belos) et Michele Capalbo (Abigaille)
Photos : Louise Leblanc