Alain Vanzo (Don Carlos), Germaine Bonnet (Elisabeth), Xavier Depraz (Philippe II), Geneviève Macaux (Eboli), René Bianco (Rodrigue), dir. Charles Brück (1961).
Malibran MR 818 (2 CD). Pas de notice. Distr. Malibran.
Malibran poursuit son entreprise patrimoniale en ressuscitant des bandes de la radio française, où dorment des trésors. Mais toute archive n’est pas nécessairement immortelle, et l’on peut parfois s’interroger sur la pertinence d’exhumer telle exécution qui n’était pas destinée à passer à la postérité. Ce préambule pour dire que le Don Carlos de 1961 édité ici n’a pas que des atouts dans sa manche. On commencera par déplorer le manque de précision du travail éditorial : aucune indication sur la date exacte et les circonstances d’enregistrement, ni sur l’orchestre – probablement le Radio-Lyrique, à moins que ce soit le Philharmonique de la RTF. On signalera ensuite que le terme « sélection » ou « larges extraits » aurait été de mise, tant les coupures sont drastiques dans ce que l’on suppose avoir été conçu pour tenir en une diffusion radiophonique. On indiquera enfin à ceux que le titre Don Carlos aura fait saliver, espérant une intégrale de la version française en cinq actes, que cette édition est bel et bien chantée en français, mais en quatre actes, ce qui veut dire que l’on doit avoir procédé par endroits à une retraduction en français de l’adaptation italienne… Pour tout dire, on ne savait même pas qu’un tel tripatouillage avait existé !
L’interprétation, maintenant. Comme souvent, elle vaut pour la justice rendue à quelques voix d’autrefois un peu oubliées aujourd’hui. En l’occurrence, c’est plutôt vrai des hommes. C’est le seul témoignage que l’on connaisse d’Alain Vanzo dans le rôle-titre : sa voix légère y est confrontée à ses limites, mais le timbre très pur et le phrasé gracieux rappellent que l’artiste fut tout sauf négligeable. L’aubaine, ce sont surtout les voix graves. René Bianco est un Posa plus franc et spontané qu’élégant, mais sa voix saine et directe respire une simplicité dépourvue du moindre maniérisme. On se réjouit ô combien de disposer du Philippe II de Xavier Depraz, qui manquait à la discographie : la dernière grande basse française y allie noblesse et clarté avec une présence imposante, qui fait de sa confrontation avec le formidable Jacques Mars le point culminant de l’album. Tout se gâte malheureusement dès que ces dames interviennent. En l’occurrence, une soubrette en guise d’Elisabeth et un second rôle monté en grade pour Eboli : non, tout n’était pas mieux avant. Surtout versé à l’époque dans la musique contemporaine, Charles Brück ne se révèle pas un verdien naturel, ses tempi échappant plus d’une fois à toute logique.
Vraie ou fausse bonne idée : on a ajouté en bonus des extraits issus d’une captation genevoise datant de 1962. Vraie car on y entend une Suzanne Sarroca exceptionnelle dans l’air d’Elisabeth et une excellente Consuelo Rubio en Eboli, ainsi que le considérable Gabriel Bacquier en Posa. Fausse car ces quelques minutes sont cruelles pour les autres, faisant regretter que l’on n’ait pas l’intégrale, d’autant que ce que l’on entend de la direction de Christian Vöchting (excellent chef suisse mort trop jeune et non crédité ici sur la pochette) donne envie d’en savoir plus…
Christian Merlin