Markus Schäfer (Treuta), Yvonne Prentki (Tusnelda), Andrea Lauren Brown (Tamaro), Andreas Mattersberger (Zarasto), Katharina Konradi (Ercilda), Uwe Gottswinter (Carilo), membres du Chœur de la Bayerische Staatsoper, Chœur Simon Mayr, Concerto de Bassus, dir. Franz Hauk (2016).
Naxos 8.660399-400. Notice en anglais et en allemand. Distr. Outhere.
De tous les opéras que nous ont révélés la Société Internationale Simon Mayr et son directeur Franz Hauk depuis qu'ils ont entrepris la résurrection de l’œuvre abondante et multiple du compositeur germano-italien, I Cherusci (Les Chérusques), dramma per musica créé en 1808 au Teatro Valle de Rome, est sûrement celui qui illustre le mieux la synthèse opérée par ce musicien étonnant - bien avant Rossini dont il semble plus que jamais le précurseur - entre le bel canto italien et l’héritage des opéras de Mozart à qui il emprunte souvent des tournures orchestrales caractéristiques. Le livret de Gaetano Rossi qui raconte comment le roi des Marcomans, Treuta, découvre en Tusnelda, une esclave chérusque destinée à être sacrifiée au dieu Mars, sa propre fille disparue, et qui se conclut par la réconciliation des deux peuples ennemis, paraît d’emblée assez téléphoné. Il offre toutefois au compositeur quelques situations qui lui permettent de déployer une invention musicale remarquable, notamment dans de magnifiques duos (celui des retrouvailles du père et de la fille au deuxième acte, et plus encore celui de Tamaro et Treuta, l’amant et le père de Tusnelda, au premier). Des ensembles comme le finale du premier acte, dont la construction force l’admiration par son évidence et sa complexité, viennent prouver un peu plus que du métier. L'ouverture agréable est assez passe-partout mais elle ne déparerait pas un opéra semi-seria rossinien, et si certains airs - d’entrée et de sortie - pour les personnages secondaires d'Ercilda et de Carilo appartiennent encore aux conventions de l’opéra seria, ils sont sauvés par la richesse de l’instrumentation et de beaux obbligatos, notamment de violon, qui sont toujours chez Mayr d’une grande originalité. Cet enregistrement réalisé (en studio ?) souffre de quelques limites du côté du plateau vocal, et d'approximations du côté du texte italien souvent malmené, mais elles ne sont pas totalement rédhibitoires. Si le ténor au timbre pâle de Markus Schäfer et ses vocalises mécaniques ne rendent pas vraiment justice aux exigences d'un rôle typique de monarque d'opéra seria où il faudrait une voix pleine et une véritable autorité, son engagement réel réussit à compenser ses faiblesses. L'on retrouve hélas chez le Tamaro de la soprano Andrea Lauren Brown, par ailleurs excellente vocaliste, la même platitude d'accent que dans ses enregistrements précédents (Saffo ou Telemaco). Fort heureusement, Tusnelda trouve en Yvonne Prentki une interprète pleinement convaincante sur le plan vocal et comme sur le plan expressif. D'excellents seconds rôles parmi lesquels on distinguera l'Ercilda de Katharina Konradi complètent ce plateau honnête, là où il faudrait sans doute des chanteurs de premier plan pour révéler tout le potentiel de la musique. Franz Hauk, en passe de devenir le spécialiste de la musique de Mayr, dirige avec compétence un orchestre sur instruments d'époque de très bon niveau et un chœur parfaitement en place. L'ensemble nous restitue finalement une œuvre originale dont le style mixte, loin d'être un handicap, fait une grande partie de la séduction.
Alfred Caron