Furio Zanasi (Ulisse), Lucile Richardot (Penelope), Krystian Adam (Telemaco), Hana Blazikova (Minerva), Gianluca Buratto (Nettuno), Anna Dennis (Melanto), John Taylor Ward (Giove), Francisco Fernández-Rueda (Eumete), Robert Burt (Iro), Francesca Biliotti (Ericlea), Zachary Wilder (Eurimaco), Carlo Vistoli (Umana Fragilità), Monteverdi Choir, English Baroque Soloists, dir. John Eliot Gardiner (2018).
Soli Deo Gloria (3 CD). 3h09. Notice en français. Distr. Harmonia Mundi.
Dans Monteverdi, particulièrement dans les opéras qu’il a gravés jusqu’ici, Gardiner ne nous a jamais convaincu. Manquait Ulisse. Le voici – hélas. La tournée au cours de laquelle il a été enregistré (en direct) fut triomphale ; le résultat nous tombe pourtant des oreilles. Gardiner semble être resté coincé dans les années 80, une époque qui combattait de mauvaises habitudes par de salutaires mais heureusement transitoires excès inverses. Aujourd’hui, peut-on vraiment diriger Monteverdi ainsi ? Toutes ces notes inégales surarticulées, cette absence absolue de legato et de cantabile, cette rythmique artificielle, contrainte, qui tantôt ankylose le discours (le récit initial de Pénélope, interminable), tantôt l’amène à sautiller de façon comique (le chœur des Phéaciens) ? Cette atmosphère pesante, frigide, ce manque de naturel qui contamine jusqu’aux trop rares chanteurs latins (Vistoli, acculé aux grimaces vocales) ? Et dire que le chef se flatte, dans la notice, d’avoir effectué un travail poussé sur la prononciation de l’italien ! L’a-t-il confondu avec le sumérien ?... Déjà Ulysse pour Garrido (K617, 1998), Zanasi n’a plus les moyens ni les aigus du rôle. La voix de Richardot est très à la mode – nous avouons ne pas goûter ce timbre plat, sans harmoniques et même, ici, fort grinçant. Soyeuse dans les messes de Zelenka, Blazikova apparaît égarée dans l’opéra italien. Dennis est purement inécoutable (comment peut-on à ce point massacrer Melanto ?), Burt appliqué, Fernández-Rueda transparent, Buratto bougonnant. Rescapés de ce naufrage, surnagent deux charmants ténors (Wilder, et Adam, émouvant lorsqu’il narre sa rencontre avec Hélène) ainsi qu’un instrumentarium plaisant et varié (bien que discutable). Pour Ulisse, on restera fidèle à René Jacobs (HM, 1992).
Olivier Rouvière