Carlo Torriani (Don Grisobolo), Marco Filippo Romano (Don Perizonio Fattapane), Paola Cigna (Fordispina), Lavinia Bini (Merlina), Alejandro Escobar (Gelindo Scagliozzi), Camilla Antonini (Doralba), Luca Gallo (Strabinio). Orchestre Bruno Maderna de Forlí, dir. Aldo Salvagno (2017).
CD Brilliant Classics 95746. Distr. DistrArt Musique.
Créé en 1786 au Teatro del Fondo de Naples, L’impresario in angustie (« l’imprésario dans l'angoisse ») appartient à cette veine des œuvres où l’opéra se met lui-même en scène sur un mode satirique. L’imprésario au sens du XVIIIe siècle est l’entrepreneur de spectacles qui finance la production d’un opéra et réunit le librettiste, le compositeur et la compagnie de chant. Celui du livret de Diodati est au bord de la ruine et assiste impuissant aux disputes et aux intrigues de sa troupe qui compromettent sérieusement sa prochaine production : deux cantatrices capricieuses (la prima donna seria et la prima donna giocosa) dont une le fait battre pour une obtenir une avance, et l’autre harcèle le compositeur sur ses airs, un musicien porté sur le réemploi et le plagiat pris dans une intrigue avec la prima donna buffa, elle-même tout aussi infatuée que les deux autres et, pour couronner le tout, un poète dialectal napolitain, dont le livret ridicule, intitulé Les Convulsions internes de Pyrrhus contre les sentiments hystériques d’Andromaque, promet un joli fiasco. Tout cela devait beaucoup amuser les contemporains qui connaissaient bien les mœurs de ce demi-monde mais nous laisse aujourd’hui un peu de marbre, car nous en avons quelque peu perdu les clefs. Par exemple, les noms des personnages devaient parler aux contemporains mais ne nous disent plus grand-chose. Le comique repose essentiellement sur les situations et les dialogues mais n’est pas vraiment pris en charge par les numéros musicaux sinon dans quelques airs bien caractérisés, comme celui de l’imprésario (« Vado in giro nei palchetti ») où il explique à la prima donna comment s'y prendre pour faire un succès, ou dans quelques effets subtils de mise en abyme comme l’Ouverture que le compositeur est en train de composer au moment où l'opéra débute et qui est parasitée par les querelles des deux chanteuses. Plus loin, la première lecture du livret, moqué par la troupe, donne lieu à un quintette parodique, le seul ensemble à part le quatuor de l'introduction. Faute d’une intrigue un peu solide, cette farsa en un acte et huit numéros se termine en queue de poisson par la disparition de l’imprésario et un faux duo amoureux entre la prima donna et le poète qui rappelle la fin de La serva padrona. La musique de Cimarosa est certes de belle venue mais assez linéaire et prévisible, relevée toutefois par une orchestration d’une très grande finesse. Défendu par une excellente troupe où se distinguent particulièrement les deux basses - le poète du baryton Marco Antonio Romano (basso buffo) et l'imprésario de Calo Torriani (basso caricato) - cet enregistrement de studio est quasiment une première. Il mérite à coup sûr le détour pour l'importance historique d'un opéra qui connut un beau succès à la création et de nombreuses reprises jusqu'au début du XIXe siècle mais, malgré un excellent orchestre dirigé avec toute la vivacité voulue par Aldo Salvagno et toute la bonne volonté des interprètes, il y manque sûrement l'élément théâtral pour donner son plein relief à une action limitée et qui ne pourrait prendre tout son sens que dans la représentation.
Alfred Caron