Hanna Zumsande (Alceste), Santa Karnite (Hippolyte), Katherina Müller (Céphise), Alon Harari (Admetus), Mirko Ludwig (Licomedes), Dustin Drosdziok (Phéres), Andreas Heinemeyer (Strato, Aeolus), Ralf Grobe (Hercules, Cléantes), Barockwerk Hamburg, dir. Ira Hochman.
CPO 555 207-2 (1 CD). 2016. 1h. Notice en anglais. Distr. DistrArt Musique.
L’opéra allemand du début du XVIIIe siècle reste fort mal connu, en dépit de l’enregistrement de quelques titres hambourgeois dus à Keiser, à Telemann et au jeune Haendel. Bravo donc à Ira Hochman pour avoir exhumé cette attachante Alceste, l’un des trente opéras attestés de Georg Caspar Schürmann (1672-1751). Apparemment, cette exhumation donna lieu à une version semi-scénique à Hambourg, en 2016, dont le succès ne suffit pas à convaincre l’éditeur d’enregistrer l’œuvre dans son intégralité : nous n’avons donc droit ici qu’à des extraits (ce qui n’est pas spécifié par le packaging), agencés de façon à composer une sorte d’opéra miniature. Le livret de König, qui convoque une douzaine de personnages, s’inspire de celui écrit par Quinault pour l’Alceste de Lully (1674), en y ajoutant une intrigue secondaire narrant les amours d’Hippolyte, reine des Amazones. Rappelons brièvement le propos : à la veille de ses noces avec le roi de Thessalie Admète, Alceste est enlevée par Lycomède, roi de Scyros ; Admète vole à son secours, mais tombe lors du combat ; les dieux promettent de le ramener à la vie si quelqu’un s’offre à mourir pour lui : ce que fait son épouse Alceste, qui se poignarde. Hercule, qui est aussi épris d’Alceste, propose à Admète, ressuscité, d’aller la chercher aux Enfers, s’il la lui cède ensuite. Admète accepte mais Alceste refuse la main d’Hercule – qui, ici, se console avec Hippolyte ! Composée en 1719 pour la cour de Braunschweig-Wolfenbüttel, cette Alceste fut reprise quelques mois plus tard à Hambourg, augmentée d’airs italiens empruntés à d’autre compositeurs. Pour cette gravure, Hochman a logiquement donné la priorité aux pages allemandes originales, dont certaines raviront immédiatement l’auditeur : tel est le cas du magnifique air de sommeil d’Admète avec viole obligée, du suicide d’Alceste qui suit, pleuré par un bouleversant chœur funèbre, du délicieux duo sur ostinato des époux réunis ainsi que de l’efficace tempête du premier acte, qu’apaise Éole avec l’aide des flûtes. L’ensemble se voit servi avec beaucoup de sensibilité, de vivacité et de nuances par Hochman et son ensemble hambourgeois (vingt musiciens). Les voix, elles, se montrent plus appliquées : on regrette notamment un Hercule un peu poussif et que les trois sopranos se cantonnent à l’émission de tête – davantage de couleurs et d’expression n’auraient pas nui au monologue d’Alceste ! Le contre-ténor Alon Harari se sort avec les honneurs d’un rôle très grave (écrit par Schürmann pour son propre usage), mais c’est le délicieux et véloce ténor Mirko Ludwig qui séduit le plus, en Lycomède bien peu effrayant...
Olivier Rouvière