Airs de Boule de Neige, Vert-Vert, Orphée aux Enfers, Un mari à la porte, Fantasio, Les Bavards, Mesdames de la Halle, Le Roi Carotte, Les Contes d'Hoffmann, Robinson Crusoé et Le Voyage dans la lune + ouverture des Bergers. Jodie Devos (soprano), Adèle Charvet (mezzo-soprano), Münchner Rundfunkorchester, dir. Laurent Campellone (2018).
Alpha 437. Notice trilingue et paroles bilingues dont français. Distr. Outhere.
Avec son timbre juvénile et certaines inflexions dans la voix où l'on devine un sourire gentiment malicieux, Jodie Devos a eu cent fois raison de consacrer un enregistrement à Offenbach. Son type de voix et son style conviennent admirablement à bon nombre de personnages à la bonne humeur contagieuse qui peuplent l'univers du maître de l'opéra bouffe. La soprano fait merveille, par exemple, dans la valse-tyrolienne d'Un mari à la porte, l'air d'Inès des Bavards, le rondo de Ciboulette tiré de Mesdames de la Halle ou l'ariette « Je suis nerveuse » du Voyage dans la lune. Loin de se cantonner dans les airs de tonalité joyeuse ou d'une virtuosité ébouriffante, elle aborde également l'extatique invocation à la mort d'Eurydice (Orphée aux Enfers), la tendre romance des fleurs (Le Roi Carotte) ou les airs nostalgiques d'Elsbeth (Fantasio). Les quinze extraits réunis ici couvrent la période 1858-1880, soit d'Orphée aux Contes d'Hoffmann, et réservent une part importante aux ouvrages méconnus. À cet égard, les trois extraits de Boule de Neige (1871), remaniement de Barkouf (1860), constituent un apport discographique extrêmement précieux. Elle y montre une grande sensibilité musicale, de même que dans la barcarolle des Contes d'Hoffmann, où Adèle Charvet est un somptueux Nicklausse. Inutilement surchargés d'ornements périlleux, les couplets d'Olympia convainquent moins que la fougueuse valse d'Edwige (« Consuisez-moi vers celui que j'adore ») de Robinson Crusoé, où elle ne pâlit pas de la comparaison avec Joan Sutherland (Romantic French Arias, 1969), Sumi Jo (Les Bijoux, 1998) et Natalie Dessay (Airs d'opéras français, 2003). Sur le plan purement technique, on admire en particulier la parfaite justesse du registre suraigu et la précision des notes piquées. Il est toutefois dommage que le timbre se décolore par moments, que la palette de couleurs manque un peu de variété et que la diction laisse parfois à désirer. Laurent Campellone et l'Orchestre de la Radio de Munich se coulent avec bonheur dans ce répertoire tantôt allègre, tantôt nostalgique et se montrent remarquables dans la barcarolle, réellement envoûtante, et l'ouverture des Bergers. Après ce récital des plus réjouissants, souhaitons qu'une compagnie ait la bonne idée d'enregistrer avec Jodie Devos un des nombreux ouvrages d'Offenbach – on pense entre autres à Madame l'Archiduc, Maître Péronilla ou La Fille du tambour-major –, qui souffre d'une désolante pauvreté discographique.
Louis Bilodeau