DVD Video Land Klassik VLMD 020. Sous-titres anglais. Distr. Abeille Musique.
Voici enfin en DVD un des joyaux de l'opérette viennoise, cet Étudiant mendiant de Millöcker qui triompha lors de sa création en 1882 au Théâtre an der Wien et que monta le festival lacustre de Mörbisch l'été dernier. La série de 28 représentations est à l'origine non seulement de cette intégrale, mais d'un enregistrement audio de substantiels extraits qu'effectua Oehms avec une distribution quelque peu différente. Si Johann Strauss fils fut un temps séduit par le livret de Genée et Zell (qui s'inspire en partie de l'opéra-comique Le Guitarrero de Halévy), il le délaissa au profit d'Une nuit à Venise et l'abandonna à son jeune rival qui allait le parer d'une musique absolument délicieuse et obtenir ainsi le plus grand succès de sa carrière. L'intrigue se déroule à Cracovie en 1704 et montre d'une façon fantaisiste comment les nationalistes polonais renversèrent l'impopulaire Électeur de Saxe, Auguste le Fort, qui régnait sur leur pays depuis 1697. L'étudiant du titre est le prisonnier Symon que le Colonel Ollendorf libère pour se venger de la belle Comtesse Laura qui l'a éconduit ; il le fait passer pour un riche prince, organise un fastueux mariage et ne révèle la véritable identité du jeune homme qu'après la cérémonie. Les plans de l'officier sont bien sûr déjoués puisque les jeunes gens s'aiment d'un amour passionné et que Symon est anobli à la faveur du changement de régime politique.
Afin d'évoquer la ville de Cracovie, ses rues, sa prison et ses palais, la direction du festival de Mörbisch a fait appel à Yadegar Asisi, qui a notamment réalisé d'immenses panoramas de Dresde en 1756, de l'antique cité de Pergame ou du mur de Berlin. Habile à meubler la scène démesurée du théâtre, l'artiste présente une vision colorée et naïve que soulignent d'ailleurs les costumes très stylisés et les perruques extravagantes des protagonistes. La mise en scène de Ralf Nürnberger ne brille guère par son originalité et souligne à gros traits le comique des situations. Plus subtil, le chef Uwe Theimer confère à la partition de Millöcker tout le tonus ainsi que la sensualité consubstantiels à cet univers musical. Le chœur et les solistes répondent cependant de façon très partielle à ses intentions. Au sein d'une distribution dans l'ensemble assez faible se distingue la très belle Laura de Cornelia Zink, solide dans son chant patriotique du premier acte et tendre à souhait dans l'expression de ses sentiments amoureux. Moins satisfaisant sur le plan vocal, Mirko Roschkowski offre tout de même un portrait attachant de l'étudiant désargenté qui prend vite plaisir à évoluer dans les hautes sphères de la société. Représentatif du niveau général des autres chanteurs, Milko Milev chante le fameux air d'Ollendorf (« Ach, ich hab' sie ja nur auf die Schulter geküsst ») sans la grâce et surtout sans cet abandon plein de suavité qui fait tout le prix de l'interprétation de Hermann Prey dans la version de Franz Allers (EMI). En somme, ce premier DVD comble une lacune importante sans répondre à toutes nos attentes.
L.B.