Miriam Portmann (Joséphine de Beauharnais), Vincent Schirrmacher (Napoléon Bonaparte), Constantin Zeilner (Eugène de Beauharnais), Paul Schmitzberger (Paul Barras), Alois Walchshofer (Talleyrand), August Schram (Hippolyte Charles), Dorli Buchinger (la duchesse d'Aiguillon), Adelheid Brandstetter (Mme Tallien), Theresa Grabner (Juliette), Roman Martin (le caporal Bernard). Orchestre Franz Lehár et Chœur du Festival Lehár de Bad Ischl, dir. Marius Burkert (2017).
CPO 555 136-2. Notices et synopsis en allemand et en anglais. Distr DistrArt Musique.
Cette Impératrice Joséphine est une opérette tardive de Kálmán, créée avec succès à Zurich en 1936. Reprise à Budapest et à Graz, elle devait faire l'objet d'une production à l'Opéra de Vienne avec Richard Tauber et Jarmila Novotná, mais les événements politiques eurent raison du projet. Grace Moore aimait tellement l'œuvre qu'elle proposa à Ernst Lubitsch de l'adapter au cinéma en 1940 et Maria Jeritza caressa l'idée d'interpréter le rôle de Joséphine à New York en 1948. Mentionnons aussi que la radio américaine diffusa l'œuvre en 1944 (avec Jan Peerce et Jean Tennyson) et que Fritz Wunderlich a enregistré trois superbes extraits en 1958 sous la direction de Fritz Mareczek.
D'une grande ambition scénique, l'ouvrage relate en huit tableaux les premières années de la relation entre Joséphine et Bonaparte, de leur rencontre en 1795 jusqu'au sacre à Notre-Dame en 1804. Si la distribution comprend des personnages aussi célèbres que Talleyrand, Mme Tallien ou Eugène de Beauharnais, ceux-ci ne font que de fugitives apparitions, car c'est sur le couple vedette que se concentrent essentiellement le musicien et les librettistes Paul Knepler et Géza Herczeg. Tout au plus ajoutent-ils un second couple d'une certaine importance, Juliette et le caporal Bernard, qui, comme dans un très grand nombre d'opérettes, font en quelque sorte contrepoids aux deux héros. Comme toujours chez Kálmán, la partition abonde en valses et autres danses telles que le fox-trot et le tango, rythmes certes ensorcelants mais un peu déconcertants dans l'atmosphère musicale du Directoire et du Consulat... Cela dit, certains numéros s'incrustent durablement en nous, à commencer par les airs « Mein Traum, mein Traum » de Joséphine ou « Schön ist der Tag » et « Du bist die Frau » de Bonaparte.
Ce coffret, qui semble être la toute première intégrale de l'œuvre, est l'écho de la résurrection effectuée en 2017 à Bad Ischl. Peu flatteuse pour les voix et assez problématique en ce qui concerne l'équilibre entre la fosse et le plateau, la prise de son laisse à désirer. Le triomphateur du spectacle est sans contredit le chef Marius Burkert, rompu à ce répertoire et qui sait parfaitement mettre en valeur l'orchestration étoffée de Kálmán. Bien assortis vocalement, Theresa Grabner et Roman Martin sont certes attachants en Juliette et en caporal Bernard, mais ne marquent guère les esprits. Le ténor Vincent Schirrmacher inspire à l'occasion des inquiétudes sur la solidité de ses aigus et de sa technique, mais il impose néanmoins le respect par son portrait nuancé et ardent de Bonaparte. Le maillon faible de la distribution est malheureusement Miriam Portmann, Joséphine dénuée de charme et à la voix délabrée qu'elle malmène outre mesure. En dépit de ces sérieuses réserves, il convient de saluer cette parution qui permet de mieux connaître un des tout derniers jalons de l'opérette viennoise.
Louis Bilodeau