Aleksandra Kurzak (Anita), Roberto Alagna (Araquil), George Andguladze (Garrido), Brian Kontes (Remigio), Issachah Savage (Ramon), Michael Anthony McGee (Bustamente). New York Choral Ensemble, Opera Orchestra of New York, dir. Alberto Veronesi (New York 2011, Paris 2017, Londres 2017).
Warner 0190295605704. Notice et synopsis trilingues (fr., angl., all.). Distr. Warner.
Certes l’esprit, voire la lettre de Cavalleria rusticana a un peu passé dans La Navarraise, mais c’est bel et bien du Massenet. Et si Anita, la jeune exaltée allant tuer l’ennemi sous sa tente pour gagner sa dot, avant d’être repoussée par un bien-aimé qui la croit infidèle et de sombrer dans la folie, n’a plus rien de la pécheresse charmante et charmeuse, elle pourrait descendre de la farouche Chimène du Cid. Un rôle assez hystérique finalement, entre le grand mezzo et le soprano dramatique, destiné à Emma Calvé, bête de scène à la voix longue, identifiée à sa flamboyante Carmen. Telle n’est pas vraiment Aleksandra Kurzak, interprète plutôt réservée qui, si son soprano s’est corsé, se trouve un peu à court pour les grands élans d’intensité tragique comme pour les passages situés dans le médium ou le grave, peu à l’aise aussi avec la déclamation à la française dont relève tel ou tel moment. Cela dit, face une Lucia Popp aussi incongrue que charmante chez Antonio de Almeida, à une Marilyn Horne très Carmencita chez Henry Lewis… Roberto Alagna, en revanche, a exactement les moyens et le profil dramatique d’Araquil, à la fois sanguin et tendre, même si le passage et l’aigu ont maintenant tendance à se durcir – et ce phrasé, cette articulation restent toujours aussi anthologiques. Que les rôles secondaires, pour lesquels on avait abondance de chanteurs français, soient aussi exotiques laisse pantois. Alberto Veronesi dirige solidement, mais aurait pu creuser davantage cette partition méconnue et malaimée – certes ce Massenet de trois quarts d’heure n’est pas celui de l’île déserte. La meilleure Navarraise reste celle de Jean-Claude Hartemann à la RTF, grâce à l’extraordinaire Geneviève Moizan, fiancée à un Alain Vanzo rayonnant de jeunesse… il faut néanmoins passer sur la prise de son. Sinon, Almeida et Lewis restent en lice, avec Vanzo ou Domingo… et des seconds rôles beaucoup plus idoines que dans la nouvelle version – enregistrée à trois dates et en trois lieux différents !
Didier van Moere