Sasha Cooke (mezzo-soprano), Nicholas Phan (ténor), Luca Pisaroni (baryton-basse), Chœur et Orchestre Symphonique de San Francisco, dir. Michael Tilson Thomas (live, San Francisco, 28 juin-1er juillet 2017).
SFS 821936-0074-2 (2 CD). Notice en anglais, français et allemand.
Dans notre discothèque, sa Fantastique occupe une place de choix. Son Roméo et Juliette va-t-il la rejoindre, aux côtés de Monteux, Munch ou Gardiner ? Oui, même si Michael Tilson Thomas nous frustre un peu. L’Introduction donne le ton : orchestre superbe, magnifiquement enregistré, direction à la fois analytique et jouissive – narcissique, diront les mauvaises langues. Elles chercheront en vain ici le cliquetis des épées, le Prince leur semblera peu autoritaire. La Scène d’amour sera pure volupté, sans spasme, sans angoisse. Lecture lumineuse, apollinienne, d’une infinie beauté plastique. Au romantisme flamboyant, M.T.T. préfère un romantisme épuré, où chaque détail, chaque ligne surgit – écoutez l’accompagnement des Stances, pourtant pas la partie la plus inventive de la partition... La reine Mab a des ailes, mais ne se précipite pas ; on en connaît de plus piquantes, mais en entend-on souvent d’aussi subtiles, avec un second Trio aussi clair ? L’élégiaque Convoi funèbre de Juliette est évidemment superbe, d’autant plus que le chœur est magnifique. Reprochera-t-on en revanche à son Réveil de ne pas être plus exalté ? Oui, si l’on refuse la perspective d’une direction qui, finalement, annexe la « symphonie dramatique » à un certain classicisme – Berlioz sans Shakespeare, en quelque sorte. Au moins conviendra-t-on que le grand final choral, assez meyerbeerien, échappe ainsi à tout pompiérisme, avec le Frère Laurence d’un Luca Pisaroni incarnant plus le pardon que la vengeance – plus basse chantante que basse profonde. Cerise sur le gâteau : il sait chanter français, ce qui nous change de beaucoup d’interprètes, aussi célèbres soient-ils. Belles Stances de Sasha Cooke également. Bref, peut-être résisterez-vous à ces séductions capiteuses. Avouons y avoir succombé, certes un peu malgré nous-mêmes...
Didier van Moere