Anna Lucia Richter (Bastienne, l’Ange), Alessandro Fisher (Bastien), Darren Jeffery (Colas), Jacques Imbrailo (l’Âme), The Mozartists, dir. Ian Page.
Signum Classics 547 (1 CD). 2018. 66’. Notice en anglais. Distr. UVM Distribution.
Ian Page poursuit, chez le même éditeur, son exploration du jeune Mozart, avec des bonheurs divers : il nous avait séduit dans Mithridate et, surtout, Il re pastore, mais sa récente Zaïde a été beaucoup moins bien reçue (sont aussi disponibles Apollo et Hyacinthus, Il sogno di Scipione et Die Schuldigkeit des ersten Gebots). Procédant cette fois à rebours de la chronologie, il s’attaque au singspiel Bastien et Bastienne (écrit à douze ans, en 1768), qu’il complète par la Musique funèbre (ou, plutôt, la « Cantate de la Passion » K. 42) composée un an plus tôt, laquelle a donné lieu à une légende : curieux de vérifier la réputation de prodige du petit Amadeus, l’archevêque Schrattenbach l’aurait enfermé à clef avec mission de composer un oratorio dans un temps imparti ! Page retranche cependant de la partition le chœur final, considéré comme plus tardif – et il est possible, d’ailleurs, que toute la cantate, d’une grande maturité de ton, ait été révisée vers 1775. Pareillement, c’est la version originale de Bastien qui est ici donnée – laquelle ne diffère de celle révisée un an plus tard que par le texte de la fameuse « invocation » de Colas. On retrouve ici l’atout majeur des disques enregistrés par The Mozartists : indéniable souplesse et tendresse de la battue, toujours très élastique dans ses rebonds et qui, pourrait-on dire, « respire le chant », fraîcheur d’un orchestre homogène sans être incolore. En revanche, manque toujours un sens plus affûté des contrastes, des accents, de l’expression. Ce défaut se voit accusé par le choix d’une soprano à la voix de fillette (et aux aigus bien droits, dans la cantate) comme d’un Colas bougonnant et court de graves. Le ténor, Fisher, élégant bien qu’un peu mince, s’en sort mieux, tandis que le baryton Imbrailo (récemment acclamé pour son incarnation de Billy Budd dans le DVD BelAir Classiques) fait montre de beaucoup de sensibilité, mais devrait veiller à nous épargner les effets de sanglot sur les attaques, dans sa première scène. Un disque trop fade, donc, qui ne détrône pas les versions de Marriner (Grabmusik, Philips, 1988) et Schoener (Bastien et Bastienne, EMI, 1976).
Olivier Rouvière.