DVD Berliner Philharmoniker BPH 130011-2. Distr. Berliner Philharmoniker. Bonus : interviews et documentaire (total : 43').
Premier Festival de Pâques de Baden-Baden pour les Berliner Philharmoniker, première Flûte en live pour l'historique phalange, et première Flûte tout court pour leur chef Simon Rattle : à cette trinité baptismale s'ajoutent une distribution superlative et une mise en scène très attendue, puisque nouvelle vision selon Carsen d'une œuvre qu'il avait déjà montée avec succès à Aix-en-Provence en 1994 - télédiffusée mais jamais éditée depuis. Tout est donc là pour faire événement, et pourtant cette Flûte n'enchante pas complètement - du moins au DVD.
Certes, l'harmonie esthétique est là (cette clairière dans la forêt, envahie de fosses fraîchement creusées dont la... fosse d'orchestre n'est pas la moindre, puis transmuée par la magie de la vidéo en souterrain aux épreuves), tout comme l'humour (une Papagena tim-burtonienne, et le désir débordant les corps dans les situations les plus cocasses...) et surtout l'humanité : on retrouve la belle idée d'Aix (la Reine de la nuit finalement initiée par Sarastro) et une simplicité des moyens visant au cœur (notamment dans le rapport amical que la scène lie avec l'orchestre, tour à tour accessoiriste, personnage et musicien que l'on écoute religieusement) et à un universalisme gonflé d'espoir. Mais à l'image, l'austérité de la production - dans la forme (scénographie dépouillée, éclairages mesurés) et dans le fond (cette mort qui rôde) - se mue en pénombre parfois terne, voire en déprime.
Même paradoxe dans la réalisation musicale : quel reproche adresser à un plateau de luxe, à part peut-être une Reine de la nuit peu dessinée (mais qui remplaçait au pied levé Simone Kermes initialement prévue) et une Pamina parfois trop entière dans ses élans ? Tamino souple et nourri, Sarastro abyssal et vibrant, Papagena juvénile, un trio de Dames opulent et jusqu'à Van Dam en Officiant ! Pourtant il faut se rendre à l'évidence : on s'ennuie ferme, la faute en premier lieu à la direction sans verve d'un Rattle qui ne prend pas la mesure du Singspiel. Superbes évidemment dans le recueillement (« O Isis und Osiris », à tomber de beauté simplement orchestrale et chorale !), les Berliner Philharmoniker épaississent ailleurs le trait et perdent de vue l'équilibre légèreté/gravité que la production de Carsen vise à garder sur le fil. Mais si le DVD ne convainc pas, il donne néanmoins envie de découvrir la production (prévue à l'Opéra de Paris en mars 2014), ne serait-ce que pour la tendresse heureuse qui se dégage de sa communion finale.
C.C.