DVD Opus Arte OA 1272 D. Notice et synopsis angl., franç., all. Distr. DistrArt Musique.
En septembre 2017, cette nouvelle production londonienne de La Bohème avait la lourde tâche de succéder à celle de John Copley, devenue légendaire en plus de quarante ans de bons et loyaux services. Pari tenu ?
La scénographie de Stewart Laing parvient à combiner une touche de modernité (par l’épure et la géométrie des décors, loin de tout réalisme) et une incontournable référence au Paris du XIXe siècle (par les costumes, incluant manchons, pèlerines ou hauts-de-forme) ; cet équilibre culmine dans la mansarde en coupe du logis des Bohèmes ou dans la perspective stylisée des passages couverts et de leurs vitrines, pour l’acte chez Momus, qui renouvellent les attendus sans pour autant renoncer à une histoire interprétative évidente. Domine malgré tout une sensation de froideur, tant dans la palette de couleurs que les lumières de Mimi Jordan Sherin, ou encore la frontalité tenace de certains tableaux ; paradoxalement, la neige qui tombe, légère, de bout en bout de la soirée, produit, elle, une palpitation autrement vibrante. Sans démériter, et même en trouvant une sorte de « troisième voie » entre fidélité et décalage, la mise en scène de Richard Jones n’atteint donc pas au charme de sa devancière. Pourtant une direction d’acteurs très soignée s’y fait sentir, qui n’oublie aucun choriste chez Momus ni aucun geste de détail parallèle et discret, et dessine ainsi des personnages vivants, comme croqués sur le vif et en parfaite osmose avec la musique de Puccini : la façon dont la scène de la clé (menant à « Che gelida manina ») est ici revisitée en est le parfait exemple, moment joueur qui donne à Rodolfo et Mimì une présence moins languissante qu’à l’ordinaire. On regrette que Richard Jones n’ait pas eu la même inventivité pour la valse de Musetta, bien plus banale de jeu.
Pappano délivre ici un Puccini narratif et imagé plus qu’atmosphérique, et mène à son meilleur un plateau très homogène sinon inoubliable. Très honnête Rodolfo, Michael Fabiano est un peu monocorde dans ses intentions et son timbre ne séduit pas intrinsèquement ; Mariusz Kwiecien dessine un Marcello solide et bien apparié à son ami, Florian Sempey est à son affaire avec un Schaunard joueur et hâbleur et Luca Tittolo émeut véritablement en Colline, dont le « Vecchia zimmara » est plus intériorisé que démonstratif ; et l’on notera le Benoît de Jeremy White, au falsetto farcesque. Simona Mihai allait reprendre en alternance le rôle de Mimì : on a peine à le croire tant sa Musetta est ici relativement verte (et un peu forcée par la direction d’acteurs). Face à elle, Nicole Car remporte tous les suffrages ; une présence évidente cachée derrière une simplicité sans effets, un regard qui chante autant que la voix, une rondeur ombrée de mélancolie : sa Mimì touche et convainc sans effort. On aurait aimé la découvrir dans un écrin plus chaleureux, et accompagnée d’un Rodolfo plus accordé à sa délicatesse.
Malgré ces quelques réserves, reste que cette vidéo offre désormais une très fiable version contemporaine de La Bohème… sans détrôner pour autant la captation de la production de John Copley, en 1982, avec la magique alchimie Cotrubas/Shicoff (DVD Warner) !
Chantal Cazaux.