CD DHM. Notice en anglais. Distr. Sony.
Hasard des calendriers ? Il y a peu, nous rendions compte d’une Didone enregistrée en CD ainsi qu’en DVD par Carlo Ipata (janvier 2017, Dynamic). En voici une seconde version, gravée à peu près au même moment, mais bien différente. L’originale Didone de Vinci avait vu le jour à Rome en 1726, dans une distribution exclusivement masculine. En 1737, à une époque où il court après son infidèle public londonien, Haendel en propose une mouture particulière : il tranche dans les rôles secondaires (dommage pour l’ « Ardi per me fedele » de Selene) ou transfère leurs airs aux rôles principaux (« Già si desta » échoit bizarrement à Didone), emprunte divers morceaux à Hasse et un à Vivaldi (« Ritorna a lusingarmi », issu de Griselda) et réécrit considérablement la partie d’Enée, qui passe de ténor à soprano (tandis que celle d’Araspe passe de soprano à ténor).
C’est d’ailleurs essentiellement pour l’Enée haendélien qu’il faut écouter ce coffret : outre que les nouvelles arias, écrites sur mesure pour le castrat Gizziello, sont de purs chefs-d’œuvre (particulièrement « Tra fieri opposti venti » avec cors, qui clôt l’acte I), l’interprète du héros troyen, la sensuelle et émouvante Olivia Vermeulen, convainc de bout en bout. Sa partenaire, une Robin Johannsen au timbre pointu et peu coloré, ne se chauffe que progressivement, pour parvenir à évoquer enfin la poignante Anna Strada del Po, créatrice de cette Didone (comme d’Alcina, deux ans plus tôt), lors de son lamento de l’acte II (« Se vuoi ch’io mora ») puis de sa magnifique scène finale – tous deux de Vinci. En Iarba, Giovannini fait valoir des vocalises et un aigu efficaces mais son émission très étrange brouille totalement grave et élocution, ce qui affaiblit beaucoup ce rôle voulu hystérique par Métastase. Les comparses sont modestes : deux mezzos bien lourdes (si Artsis s’en sort dans son dernier air, l’émission germanique et tubée de Böhme est fort déplaisante) et un ténor emprunté (Huh) complètent le casting.
La Lautten Compagney se montre plus probante dans ses articulations et équilibres que l’Orchestre du Mai musical florentin conduit par Ipata mais se complaît dans une expression trop mignarde, chambriste (tous ces arpèges de luth !), mal adaptée au propos – et trouve notamment ses limites dans les pages vivaldiennes. La parution de ce pasticcio éclaire cependant d’un jour intéressant les dernières années de la production lyrique haendélienne.
O.R.