Che originali ! : Bruno de Simone (Don Febeo), Chiara Amarù (Donna Aristea), Leonardo Cortellazzi (Don Carolino), Angela Nisi (Donna Rosina), Omar Montanari (Biscroma), Gioia Crepaldi (Celestina), Pietro Di Bianco (Carluccio).
Pigmalione : Antonino Siragusa (Pigmalione), Aya Wakizono (Galatea).
Orchestre de l’Académie du Teatro alla Scala, dir. Gianluca Capuano, mise en scène : Roberto Catalano (Bergamo, 2017).
DVD et BR Dynamic 37811. Notice et synopsis italien/anglais. Distr. Outhere.
A Bergamo, le Festival Donizetti 2017 présentait au Teatro Sociale ce « double bill » réunissant une pièce de Mayr et la première page lyrique composée par celui qui fut son élève : Donizetti.
Che originali ! est l’œuvre d’un compositeur lancé par le succès de ses deux premiers ouvrages, Saffo (1794) et Lodoiska (1796). Cette farce en un acte obtint un beau succès à sa création au San Benedetto de Venise en 1798. Le sujet est plaisant : un père fou de musique exige de sa fille qu’elle épouse un homme qui en soit aussi féru ; l’amant de la demoiselle, peu porté sur la muse, tente en vain de donner le change… et obtiendra la main de la belle grâce à l’entremise d’un valet bienveillant. La partition contient un air qui trouva longtemps sa place dans les récitals, « Chi dice mal d’amore », et quelques situations farfelues, telles les interventions de la petite sœur toujours à contre-courant (parfois parodiques du style seria), ou bien la dictée musicale qui tourne au grand ensemble paniqué. Mais nombre d’autres moments, et notamment les récitatifs, sont bien moins inspirés, malgré un livret (de Gaetano Rossi) finement troussé. Les interprètes sont au diapason de l’esprit sinon de la lettre, tous dominés par Bruno de Simone en père-mélomane fanatique, éloquent sans histrionisme et parfaitement dans le style. Si elle ne manque pas de panache, Chiara Amarù est trop mûre de timbre pour la jeune et volontaire Aristea, qui laisse par endroit pressentir une Rosina : ses graves engorgés et quelques sons ou intentions virent à la matrone. Leonardo Cortellazzi est bien court en Carolino, et Angela Nisi un rien légère en sœurette – même si cela concorde, finalement, avec la silhouette sixties que la mise en scène lui réserve.
Plutôt qu’un opéra, Il Pigmalione (1816) est une scène dramatique pour ténor (où Galatea n’intervient que très tardivement), de dimension bâtarde : trop longue pour un récital, trop courte même pour une moitié de soirée (une demi-heure). Composée en 1816 mais restée inédite jusqu’à sa résurrection en 1960 à Bergamo, elle est empreinte d’une expressivité pénétrée qui doit autant à la rhétorique rossinienne qu’aux noirceurs romantiques, et il n’est pas inintéressant d’y déceler déjà chez le jeune Donizetti (19 ans alors) autant d’attention à l’orchestre qu’à la voix. L’ouvrage tient-il pour autant la scène ? Rien n’est moins sûr : absence quasi-totale d’action, second personnage statufié presque jusqu’au bout… Le théâtre de l’œuvre est avant tout dans sa musique. Laquelle est bien servie par Antonino Siragusa, parfaitement idiomatique sinon toujours inspiré.
A la tête de l’Orchestre de l’Académie de La Scala, Gianluca Capuano, bien que très soigneux de toutes les intentions de chaque partition, est limité par une phalange où attaques, articulations et fondu des pupitres sont encore audiblement work in progress. Quant à la mise en scène de Roberto Catalano, elle démarre avec une relative fantaisie (Che originali ! est situé dans des années cinquante mâtinées de kitsch bariolé) puis s’enlise dans un minimalisme contemporain assez terne (Pigmalione), de bout en bout desservie par des éclairages sans grâce – tout comme la réalisation vidéo. Avant tout une captation-souvenir (doublonnée d’une parution en CD).
C.C.