Bejun Mehta (Orfeo), Eva Liebau (Euridice), Regula Mühlemann (Amore), Collegium & Collegium vocale 1704, dir. Vàclav Luks, mise en scène : Ondrej Havelka (2014).
DVD Arthaus Musik. Notice en français. Distr. Harmonia Mundi.

Troisième Orfeo à nous parvenir en ces derniers mois, celui-ci n’offre pas l’intérêt de ses rivaux (Equilbey/Fagioli et Fasolis/Jaroussky). A la base de ce DVD, un film qui ambitionne à la fois de fêter le tricentenaire de la naissance de Gluck (né en 1714) et de faire découvrir le « théâtre baroque le mieux conservé du monde », celui du château tchèque de Cesky Krumlov (notons que ce dernier était déjà la star du DVD consacré à Dove è amore, è gelosia de Giuseppe Scarlatti, paru chez Opus Arte). D’où une réalisation qui hésite entre visite guidée (les enfers convoqués par l’opéra se situent dans les souterrains du château, tandis qu’en s’en échappant, à l’acte III, Orphée se retrouve dans les cintres du théâtre), mise en scène « d’époque » (jolies toiles peintes mais gestuelle très vaguement inspirée de l’esthétique baroque) et documentaire fantasmatique sur le mythe d’Orphée (incarné dès l’ouverture par un Bejun Mehta en costume du XVIIIe contemplant pensivement sa lyre). On se serait volontiers contenté d’une benoîte captation, aussi peu inventif soit le spectacle, les échappées de la caméra sombrant trop souvent dans le kitsch – notamment lorsqu’elle scrute la poignée de pauvres furies portant ailes en carton-pâte et tatouages tribaux.

De tous les plans ou presque, Mehta minaude en prenant des poses inspirées mais la voix (captée en direct, sur la longueur, et non montée en playback) ne suit pas. Certes, on admire toujours la concentration percutante de l’émission ainsi que la beauté du grave, mais le timbre devient de plus en plus métallique à mesure qu’on avance dans la partition et, surtout, le soutien s’avère trop artificiel pour lui permettre d’« épandre la voix », comme disent les Italiens – notamment dans un « Che puro ciel » décoloré. Si Amour est incarné de façon crédible par une Mühlemann des plus boyish, Eurydice pâtit du timbre plat et dépourvu d’harmoniques de Liebau. Plus plate encore s’avère la direction de Luks. Ce chef tchèque s’est acquis une réputation en gravant les messes de son compatriote Zelenka, dont le style baroquissime s’accommode d’une approche pudique (notons, entre parenthèses, qu’en la matière on lui connaît un rival bien supérieur : Adam Viktora, directeur de l’ensemble Inégal, groupe de musiciens infiniment plus expressif que le Collegium vocale 1704 mais malheureusement moins doué pour capter les feux médiatiques). Quoi qu’il en soit, ni dans Haendel, ni dans Gluck, Luks ne nous convainc par son approche linéaire, sèche, dépourvue d’émotion. Orchestre et chœur (léger, transparent) ne sont pas désagréables mais cette lecture du chef-d’oeuvre de Gluck n’en apparaît pas moins anecdotique.

O.R.