CD Erato 0190295707941. Notice en français. Distr. Warner Music.
En 1774, douze ans après la création de l’Orfeo ed Euridice de Gluck à Vienne, cette partition devenue fameuse connut deux adaptations très différentes : l’une, supervisée par Gluck, pour Paris (la tessiture du protagoniste passa alors d’alto à ténor et nombre de morceaux, dont deux airs et diverses danses, furent ajoutés) ; l’autre, pour Naples. C’est cette seconde mouture qui est ici enregistrée pour la première fois. Du côté de l’orchestration, cet « Orfeo de Naples » apparaît considérablement simplifié par rapport à son modèle, le petit théâtre de cour auquel il était destiné ne disposant pas des moyens ayant présidé à la création – il faut dès lors se passer des cornets, trombones, chalumeaux (et même de leurs substituts, les clarinettes), cors anglais, etc. On se doute que ce lissage a été passablement dommageable aux atmosphères étranges créées par Gluck dans ses deux premiers actes... D’autre part, quelques récits perdent leur accompagnement de cordes. Enfin, la partie d’Orfeo passe d’alto à soprano (cette transposition ayant été effectuée par Gluck lui-même, en 1769, pour la reprise de l’opéra à Parme, dans le cadre des Feste d’Apollo) ; et, surtout, à l’acte III, le duo d’Orfeo et Euridice puis l’air de cette dernière ont été remplacés par deux nouvelles compositions, sans doute dues à l’aristocrate dilettante Diego Naselli.
Ce sont en premier lieu ces morceaux, pas du tout dépourvus d’intérêt (évoquant un peu le style de Jean-Chrétien Bach), qui interpelleront le familier de l’œuvre – ainsi que les mozartiens, puisque ces pages furent expressément écrites pour faire valoir la virtuosité de la grande Anna de Amicis, qui venait de créer la Didone de Jommelli et Giunia dans Lucio Silla. Dans un rôle devenu étincelant, Amanda Forsythe affiche un splendide abattage, en dépit de quelques aigus acides. La partie d’Orphée, elle, échut au non moins immense Gaspare Pacchierotti (pour qui Haydn écrira Arianna a Nasso), dont l’évocation est à moitié réussie par notre Philippe Jaroussky national – toujours d’une intelligence et sensibilité extrêmes (son « Che faro senza Euridice », désormais orné de pizzicatos, est divin), mais parfois un peu tendu et appliqué (air de l’acte I). Difficile en revanche de trouver Amour plus convaincant, mieux timbré et plus mutin qu’Emöke Baràth !
La lecture d’I Barrochisti et de Diego Fasolis convainc surtout dans la dramatique confrontation de l’acte III, l’ouverture apparaissant étrangement savonnée et les danses peu sensuelles – comme souvent, on trouve le chef suisse assez hâtif, bien qu’attentif aux couleurs et climats. Le chœur, léger, de la Radiotélévision suisse italienne (23 membres) se montre, lui, parfaitement lisible. Un apport intéressant à la discographie.
O.R.