Franco Fagioli (Orfeo), Malin Hartelius (Euridice), Emmanuelle de Negri (Amore), Accentus, Insula Orchestra, dir. Laurence Equilbey (2015).
CD Archiv 479 5315. Notice en français. Distr. Universal.

Tandis que Diego Fasolis ressuscitait l’inédite version napolitaine (1774) d’Orfeo, Laurence Equilbey polissait sa lecture de la version viennoise originale (1762), promenée de Poissy à Aix-en-Provence, en passant par la Philharmonie de Paris. Contrairement au disque Erato qui paraît simultanément, le coffret Archiv n’offre donc rien d’inédit, du point de vue musicologique.

On pourra même trouver agaçante l’idée de « gonfler » ce coffret par l’ajout d’un troisième CD présentant un bizarre melting-pot des versions de Vienne et de Paris – d’autant que, celle de Paris ayant été conçue pour ténor, il a fallu re-transposer pour alto deux des extraits donnés ici ! Bien sûr, les aficionados se jetteront sur ce disque liminaire dans l’idée d’écouter avant tout le grand air de bravoure « Addio, o miei sospiri » entonné par l’ébouriffant Franco Fagioli. On n’hésitera cependant pas à les décourager, en signalant qu’il s’agit de l’un des passages les moins réussis de l’enregistrement, la direction d’Equilbey y apparaissant pesante et corsetée (privée de cet estro italien ici si nécessaire) et l’interprétation du contre-ténor elle aussi trop appuyée, avec des cadences morcelées qui « cassent » l’envol de l’air. Pour des raisons similaires, le fameux « solo de flûte » des Champs-Elysées peine à nous toucher, tandis que la tout aussi parisienne Danse des Furies soulève l’enthousiasme, grâce à des cordes aussi incisives qu’expressives.

Au long de la version viennoise occupant les deux autres CD, Equilbey tiendra le cap d’une direction extrêmement précise, où rien n’est laissé au hasard (équilibre des sonorités, inflexions, tempi, choix dynamiques), ce qui décevra les partisans d’une approche plus viscérale (récits et danses apparaissent bien froids) mais ravira les amateurs de « musique pure » – d’autant que son orchestre et, surtout, son chœur (quels sublimes ténors !) s’avèrent magnifiques, notamment en termes d’articulation. Le volcanique Fagioli semble avoir été lui-même « sous surveillance », ce qui est une bonne chose car on ne trouvera aucun histrionisme dans son interprétation pourtant très charnelle, qui culmine dans le plus voluptueux des « Deh placatevi con me » (extraordinaire émotion de la strophe « Mille pene »). En contrepartie, son air final manque de liberté et « Che puro ciel » apparaît un peu trop grave pour lui. Les sopranos sont correctes – Hartelius très engagée mais bien peu latine, de Negri plus conventionnelle –, mais ne marquent guère l’imagination. Un Orphée qui engage à la réécoute plutôt qu’à l’enthousiasme immédiat.

O.R.