Richard Lewis (Troilus), Magda Laszlo (Cressida), Frederick Dalberg (Calkas), Geraint Evans (Antenor), Peter Pears (Pandarus), Forbes Robinson (Horaste), Barbara Howitt (Evadne), Otakar Krauss (Diomede), Chœur et Orchestre du ROH Covent Garden, dir. Malcom Sargent (Londres, 21 décembre 1954).
CD Pristine Audio PACD 138. Distr. Pristine Classical.

William Walton aura eu aussi sa Guerre de Troie. Il entendait bien marquer l’histoire lyrique de l’Angleterre autant que Britten l’avait fait avec Peter Grimes dix ans plus tôt. Las, la critique étrilla Troilus and Cressida ; pire : Elisabeth Schwarzkopf, pour laquelle Walton avait écrit le rôle de la fille de Calchas, s’était désistée – mais elle fit amende honorable de ce désaveu en enregistrant quelques années plus tard les grandes scènes de l’héroïne sous la surveillance conjuguée du compositeur et de Walter Legge. L’ouvrage connut une première intégrale discographique magnifique courant années soixante-dix, EMI ayant assemblé autour de la Cressida de Janet Baker une distribution brillante, Lawrence Foster distillant avec art les atmosphères évocatrices de l’orchestre de Walton : au fond, c’est lui le véritable héros de l’ouvrage. Mais l’écho d’une captation de la BBC réalisée lors des séries de représentations de la création change la donne. Malcolm Sargent embrase l’orchestre de Covent Garden, dirigeant non plus un opéra mais un vrai film hollywoodien alternant panoramiques et close-up, et les deux amants brûlent littéralement les planches, Richard Lewis dardant son chant, phrasés et style altiers ; Magda Laszlo est plus étonnante encore, passionnée, hantée, d’une beauté vocale asphyxiante, incarnant le destin tragique de la fille du devin dans chaque mot : son suicide, à la coda de l’acte III, devait être saisissant. Tous se haussent à ce même degré d’excellence : le Calchas terrible de Dalberg, le Pandarus intrigant de Peter Pears, l’Antenor de Geraint Evans incarnent ce drame politique déduit avec brio par Christopher Hassall du poème de Chaucer. Mais écoutez surtout Magda Laszlo, immense chanteuse dont il nous reste si peu de témoignages. La Révérence est pour elle.

J.-C.H.