DVD ArtHaus Musik 109065. Notice trilingue (angl., franç., all.). Distr. Harmonia Mundi.
Avant Salomé et Elektra, le premier acte unique de Strauss… et son deuxième opéra, après le trop wagnérien Guntram. Un « poème chanté », mais aussi un règlement de comptes avec ce Munich béotien qui lui a refusé son estime. Le magicien Kunrad, c’est lui. Reichart, le magicien banni avant lui, c’est Wagner : à travers Feuersnot, parfois traduit en La Nuit de la Saint-Jean, Strauss venge les deux Richard.
Diemut, la fille du bourgmestre, s’est laissé voler un baiser par Kunrad et s’apprête à le recevoir dans sa chambre, mais elle arrête le panier qui doit le hisser jusqu’à elle, le livrant aux moqueries des citadins – un peu comme si le Walther des Maîtres chanteurs se trouvait dans la posture de Beckmesser ! Qu’à cela ne tienne : il se venge en déclenchant le « Feuersnot », la pénurie de feu – également métaphore du tarissement du désir, moteur de toute vie humaine. C’est alors la communauté qui cède au chantage et lui donne Diemut. Elle ne le regrettera pas. Fourmillant d’allusions, voire de citations, dans le texte ou la musique, Feuersnot n’est pas encore chef-d’œuvre absolu, mais Strauss se reconnaît tout entier, avec son lyrisme débordant, son ironie caustique, sa conversation en musique, sa virtuosité orchestrale et chorale qui ne souffre aucune faille. L’œuvre fut créée en 1901 à Dresde, par Ernst von Schuh.
A Palerme, Gabriele Ferro s’acquitte de sa tâche en chef de théâtre aguerri, mettant néanmoins un peu de temps à s’échauffer, très bien suivi par des musiciens et des choristes soumis à rude épreuve – les Meistersinger, ici aussi, ne sont pas loin. La distribution se signale par son homogénéité, qu’emmène un couple à la hauteur de l’enjeu. Certes le vibrato de Nicola Beller Carbone s’est élargi, mais cette Salomé sait chanter son Strauss. Certes Dietrich Henschel fatigue un peu dans l’éprouvante harangue aux philistins munichois, souvenir de celle de Hans Sachs à la fin des Maîtres, certes il a toujours cette fâcheuse tendance à faire du Fischer-Dieskau, mais il assure fort bien, avec un bel art de la déclamation.
Emma Dante signe une production efficace et colorée, très axée sur les rituels joyeux de la fête carnavalesque, un peu trop parfois : l’omniprésence des danseurs et des saltimbanques fatigue assez vite – au début, leur agitation avant l’arrivée du chef d’orchestre est interminable. C’était en janvier 2014, alors que l’on entrait dans l’année Strauss, né cent-cinquante ans auparavant… à Munich.
D.V.M.